Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1843 > Décembre > 14

14 décembre [1843], jeudi matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon petit Toto bien-aimé, bonjour mon cher, cher petit, bonjour, bonjour, je t’aime. J’espère que tu auras passé une bonne nuit et que tu te seras couché en rentrant chez toi hier. Si tu ne l’as pas fait, tu es un méchant homme mon Toto qui n’a aucune pitié du plus ravissant petit corps qu’il y ait au monde. Je te retireraia ma confiance et je te reprendrai ce qui m’appartient pour le soigner moi-même. En attendant, votre montre m’a coûté quatre francs. Elle va très bien maintenant, il n’y avait rien de cassé. Seulement elle était remplie de petits morceaux de verre. Je vais donc rentrer dans ma propriété, ça n’est pas malheureux !!!
Tu as raison, mon cher petit, en ce qui concerne les portraits. Seulement la raison qu’on est obligé d’accepter en guise d’étrennes n’est ni une chose aimable ni une chose consolante pour celle à qui on ne donne que ça, tout sec pour le jour de l’an. Quant à toi, mon Toto, qui te pose en homme sûr de ton fait, parce qu’au fond cela t’intéresse peu, je te prierai de tâcher de réaliser ta promesse le plus tôt possible pour ne pas faire une trop redoutable concurrence à la mémoire du grand Rosanbo [1]. Tu as beau t’en défendre avec modestie, tu as plus d’une ressemblance avec cet illustre Marquis de drolatique mémoire.
Maintenant baisez-moi et aimez-moi si vous en avez le temps. Vous avez sans doute académie aujourd’hui. Tâchez de venir m’embrasser en y allant et d’y rester le moins de temps que vous pourrez. En somme, ça n’est [illis.] pas si amusant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 163-164
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « retirai ».


14 décembre [1843], jeudi soir, 5 h. ¼

Tu es sans doute à l’Académie, mon Toto, ce qui m’inquiète par ce vilain de temps de brouillard. Je ne serai tranquille que lorsque je t’aurai vu et que je serai sûre qu’il ne t’est rien arrivé dans le trajet de là-bas à ici.
Je continue à avoir mal à la tête. J’attribue à ce mal habituel l’état d’imbécillité dans lequel je me plonge de plus en plus. Peut-être aussi n’est-ce qu’un simple prétexte pour ne pas m’avouer à moi-même une désagréable vérité. Mais le fait est que je suis stupide et que je souffre. Voilà, toute la cause ne mérite pas la peine d’être approfondie.
Je me suis aperçue tout à l’heure que ton cordon de montre était usé près du cadenas, ce qui pourrait t’exposer à perdre ta montre ou à la casser. Si tu veux, je te le ferai raccommoder et je te prêterai encore ma chaîne de sûreté qui n’est pas fille de la PRUDENCE puisque je vous la prête. Enfin qui ne RISQUE RIEN N’A RIEN et qui risque tout n’a pas davantage, ce qui fait que j’aimerais autant n’être pas forcée de vous confier ma chaîne. Je suis sûre que vous trouvez que je bats la BRELOQUE et vous vous moquez de moi à tire-larigota. Que je vous voie scélérat et vous verrez que je sais encore battre autre chose sur vos épaules. Dépêchez-vous de venir et ne vous cognez pas le nez dans toutes les passantes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 165-166
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « tirelarigo ».

Notes

[1Louis Le Peletier de Rosanbo (1777-1856) fut Pair de France sous la Restauration. On ne comprend pas l’allusion, qui peut d’ailleurs s’appliquer à l’un de ses ancêtres.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne