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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 décembre [1842], dimanche après-midi, 1 h. ¾

Comment n’as-tu pas deviné, mon amour, que j’avais dû commencer par toi auparavant d’écrire à ma sœur ni à personne dans l’univers ? J’ai été bien triste en retrouvant ma lettre tout à l’heure à l’endroit où je l’avais laissée. Il me semble que c’est que tu ne m’aimes plus puisque tu n’as pas su deviner cela. Autrefois, tu ne t’y serais pas trompé et tu ne l’aurais pas oubliée. C’est bien triste, bien triste de sentir l’amour de l’homme que l’on adore nous échapper malgré tous les efforts qu’on fait pour le retenir. Pour un peu, je pleurerais jusqu’à en mourir.
Si je ne t’avais pas écrit avant d’écrire à ma sœur, c’est que je ne t’aurais pas aimé. Ma première pensée, mon premier besoin, ma première force, tout a été pour toi, le reste n’est venu qu’après, bien après. Comment n’as-tu pas senti cela ? Tous ces jours passés, je ne t’ai pas écrit parce que je ne pouvais physiquementa pas [1]. Aujourd’hui encore, je ne veux t’écrire qu’une lettre parce que la force me manque et que je sens que mon mal de tête reviendrait si j’insistais. Mais ce n’est pas faute de désir et d’amour. Il est vrai que pour le cas que tu fais de tous ces témoignages d’amour, je ferais mieux de les garder pour moi. Aussi ai-je bien envie de jeter tous ces gribouillis dédaignés au feu et qu’il n’en soit plus question une fois pour toutesb [2]. Comment allez-vous, méchant homme, comment va votre gorge ? Moi j’ai passé une nuit blanche et ma médecine n’a pas fait son effet. Du reste, je vais bien, très bien, beaucoup mieux qu’hier et je vous écris levée, ce qui est bon signe. J’espère que le Triger fera demain sa dernière visite et que je n’en entendrai plus parler d’ici à 1983. En attendant, vous seriez bien gentil de venir m’apporter un peu de baumec dans mes épinards – et me consoler un peu de vos turpitudes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 251-252
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « phisiquement ».
b) « toute ».
c) « beaume ».

Notes

[1Juliette a été malade et n’a donc pas écrit à Victor Hugo entre le 24 novembre et le 2 décembre.

[2Les lettres du 24 novembre au 2 décembre sont en effet manquantes, mais Juliette explique plus haut que son état l’a empêchée d’écrire.

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