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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 décembre [1837], samedi midi

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour. Comment vas-tu ? Tu ne m’en veux plus n’est-ce pas ? J’ai rêvé de toi tout le temps que j’ai dormi. Je t’aimais de toute mon âme mais toi tu me maltraitais et tu ne m’aimais pas. C’était bien triste et bien douloureux. Heureusement que cela n’a pas duré longtemps car mon essai de non-lecture n’a pas eu le succès que nous en attendions. J’ai éteint ma lampe presque tout de suite après toi et je ne me suis endormie qu’à prèsa de 5 h. du matin Tout cela n’est intéressant à dire que parce que dormant ou veillant je t’aime de toutes mes forces.
Je fais peur ce matin. J’ai la figure toute décomposée. C’est à peine si je peux ouvrir les yeux. Si tu m’aimes malgré ma hideur, ça m’est égal, mais si tu ne m’aimes pas, comme j’en ai très peur, alors cela m’est encore plus égal car je neb désire plaire qu’à toi et n’être belle que pour toi.
Je suis souffrante ce matin. Si j’étais sûre de ne pas te voir, je ferais refermer mes rideaux et mes persiennes pour ne pas voir le jour.
Aime-moi mon Victor, pardonne-moi, plains-moi et aime-moi. J’en ai plus besoin que de vivre. Je n’ose pas te dire de venir. Je suis si laide et si malade que je t’ennuierais et je te ferais peur. Je t’aime, voilà ce que j’ai à te dire. Je t’aime, je t’aime, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 175-176
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « prêt ».
b) Suivi de « ne » (doublon).


16 décembre [1837], samedi soir, 4 h. ½

C’est bien triste mon cher petit homme. Je ne te vois pas. Est-ce que c’est encore cette éternelle affaire de M [1]. qui te retient ? C’est aussi triste que c’est bête.
Je croyais tantôt ne pas pouvoir me lever mais je me suis secouée un peu et à présent je suis moins mal à mon aise. J’avais presque promis à Mme Pierceau d’aller manger de son lapin aujourd’hui, mais j’avais compté sans mon cher petit AUTRE qui n’est pas venu et qui ne viendra probablement que très tard et pas longtemps.
Jour mon petit Toto. Je t’aime, va, et c’est bien vrai. Il n’y a que moi qui le sache car il n’y a que moi qui souffre. Je veux être gaie ne fût-ce que pour varier un peu mon humeur qui doit t’ennuyera à la mort.
Jour. Il ne fait pas chaud. Je commence seulement à présent à allumer mon feu. Il ne fait vraiment pas chaud. Tu as dû avoir bien froid cette nuit dans ta chambre si tu as travaillé sans feu. Rien que d’y penser j’en ai le frisson jusque dans les os. Il faudrait cependant prendre sur toi de commander du feu le soir et que tu aurais la précaution d’entretenir. Tu finiras par tomber malade, c’est bien sûr. Et alors ? qu’est-ce que je deviendrai ? Si tu m’aimais, tu penserais à cela et tu prendrais plus de soin de ta chère petite personne adorée. Mais tu ne m’aimes pas, hélas ! Je le crains plus que je ne le désire.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 177-178
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « t’ennuier ».

Notes

[1Il a été question de ce mystérieux personnage dans les lettres des jours précédents. Il s’agit d’une affaire en lien avec le récent procès.

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