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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 janvier [1837], jeudi après-midi, 1 h. ¾

Je finis seulement à présent ma lettre commencée hier. C’est que depuis hier j’ai eu le bonheur de souper avec vous jusqu’à 1 h. ½ du matin et puis ce que j’avais prédit est arrivé, la marche d’hier m’a fait dormir jusqu’à présent, non pas sans interruption mais enfin j’ai dormi ce qui ne m’était pas arrivé souvent depuis deux mois et si vous ne m’aviez pas fait des gros chagrins en rêve je dormirais encore.
Je vous pardonne tous vos trimes et je vous baise et je vous aime et vous êtes toujours mon cher petit Toto adoré.

BnF, Mss, NAF 16329, f. 97-98
Transcription d’Erika Gomez assistée de Florence Naugrette


26 janvier [1837], jeudi après midi, 2 h. moins 10 m[inutes]

Mon cher petit Toto bien aimé, je vous écris cette grosse lettre là afin que vous ayez votre compte, si je vais dîner chez Mme V [1]. À ce sujet là, je vous dirai qu’il sera impossible de refaire mon chou, si j’y vais le soir parce qu’il faut voir clair, au reste cela m’importe médiocrement. J’aime assez les choux frisés, c’est pour cela que je vous aime tant à cause de vos beaux cheveux qui frisent comme des asperges. Il m’est arrivé une fameuse aventure cette nuit, je ne sais pas si j’aurai la force de vous tout avouer, promettez moi d’être très indulgent et je vous dirai tout Hélas ! à peine étiez vous parti cette nuit, que j’entendis pousser des lamentables gémissements. Je prêtai l’oreille et bientôt je reconnu la voix de... l’infortuné CIVET qui se trouvait entre les deux portes, celle de la cuisine et celle de mon cabinet, toutes les deux fermées comme vous savez. Dans l’impossibilité morale de lui ouvrir une de ces deux portes, je ferme courageusement mon cœur à toute pitié résolue à laisser passer toute la nuit ce malheureux Civet à genoux sur la pierre. Mais si j’avais fermé mon cœur je n’avais pas fermé mes oreilles, et voici que les gémissements plaintifs se changent en affreux miaulements à faire tomber les portes d’elles mêmes, ma foi j’avoue que j’eus un moment d’égarement et… c’est ici que j’ai besoin de toute votre indulgence, j’entrouvris la porte de mon cabinet l’espace suffisant pour laisser passer le corps d’un Civet. Je n’en avais nul droit puis qu’il faut parler net, mais j’espère qu’en faveur de mon repentir vous ne crierez pas HARO sur votre pauvre petite BAUDETTE [2] qui ne le fera plus jamais jamais, dussent ses oreilles être déchirées par la plus affreuse mélodie de chat. Pardonnez moi s’il vous plait.
Je t’aime toi, je t’aime va. J’ai bien rêvé de toi, tu as été comme toujours très méchant et très injuste envers moi, mais tu es si bon en réalité que je te pardonne toutes tes cruautés en rêve. Jour, mon petit oto, jour, mon bien bien aimé de tout mon cœur de toutes mes forces et de toute mon âme, bien sûr bien vrai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 99-100
Transcription d’Erika Gomez assistée de Florence Naugrette

Notes

[1À identifier.

[2On aura reconnu deux citations de la fable de La Fontaine « Animaux malades de la peste ».

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