Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1842 > Septembre > 12

12 septembre [1842], lundi après-midi, 5 h. ¼

Si tu n’es pas parti pour Saint-Prix [1], si c’est bien vrai que tu vas venir tout à l’heure, mon bien-aimé adoré, alors je suis la plus joyeuse et la plus heureuse des femmes car je vais te voir, car tu m’as promis de me lire ton premier acte [2] dès qu’il sera fini, car je pourrai t’admirer et t’aimer en chair et en os, comme je t’admire et je t’aime toujours en pensée et en souvenir quand tu n’es plus sous mes yeux ? Merci mon adoré chéri. Merci mon amour bien aimé. Tu me combles dans le présent et dans l’avenir. Merci, tu es mon pauvre ange béni. J’ai vu Mme Ledon, nous nous sommes arrêtées à la robe de moire, comme c’était ce qu’il y aurait de mieux pour toutes saisons [3].
Je reprends mon gribouillis une heure après où je l’avais laissé parce que la blanchisseuse est venue, j’ai reçu mon linge et je l’ai payé, plus le blanchissage de la toile à matelas et son raccommodage. Une grosse poignée d’argent que je viens encore de jeter de côté-là. Ça n’en finit pas, j’ai grand besoin qu’il y ait plus d’un louis dans la caisse…..a d’amortissement pour remettre un peu de beurre dans tout notre pauvre petit ménage. Voici un affreux moment qui approche : l’hiver  : ce sera toutes sortes de provisions indispensables qu’il va falloir : le bois, l’éclairage, sans parler de mille petites nécessités qui se révèlent tous les jours. Enfin, mon pauvre adoré, nous ferons vie qui dure le mieux que nous pourrons, même sans le secours de la caisse des CONSIGNATIONS. En attendant, je viens d’envoyer acheter la plus laide et la meilleur b marché des cuvettes qui coûte encore horriblement cher : 2 F. !!! Quand tu la verras, tu ne voudras pas le croire mais je laisse le prix marqué en dessous. Baise-moi, mon âme, ma vie, ma joie, mon bonheur, mon tout, et viens bien vite me retrouver, toute bête que je suis.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 125-126
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) Les cinq points de suspension courent jusqu’au bout de la ligne.
b) « meilleure ».

Notes

[1Les enfants de Victor Hugo, ainsi que sa femme, sont partis entre le 24 et le 25 août s’installer pour quelques mois à Saint-Prix dans le Val d’Oise. Victor Hugo va donc régulièrement les y rejoindre, comme ce jour-ci (12 septembre 1842) où il passe, d’après la chronologie MAssin, la journée parmi les siens.

[2Victor Hugo a commencé une première rédaction des Burgraves les semaines précédentes. La rédaction du texte définitif a débuté le 10 septembre 1842.

[3Juliette est depuis plusieurs jours en train de choisir un tissu pour se faire faire une nouvelle robe.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne