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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 janvier [1842], samedi midi ½

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon Toto chéri. Comment que ça va, ce matin ? Moi je dors comme un sabot, c’est honteux, vraiment. Je vais me dépêcher de me lever pour rattraper le temps perdu. Comment vas-tu, toi, mon pauvre bien-aimé ? As-tu un peu reposé cette nuit ? Tes beaux yeux vont-ils bien et m’aimes-tu ? Je t’aime, moi, mon Toto chéri. Toujours de plus en plus, c’est-à-dire toujours autant puisque on ne peut pas aimer plus que le plus le plus PLUS. C’est bien vrai que je t’aime de toute mon âme depuis neuf ans. Baise-moi mon adoré. Quand tu liras ce gribouillis, ce sera l’heure de revenir auprès de moi, n’y manque pas mon toto chéri, tu me combleras de joie et de bonheur.
N’est-ce pas aujourd’hui que nos goistapioux goblottent ? Alors voici le moment de jouer du gobelet et de la fourchette car je crois que tu m’as dit que c’était à une heure. QUEL BONHEUR !!! ou QUELLE BONNE HEURE !!! Les deux se disent, se pensent et se PANSENT en si CHAIRE occasion. Je voudrais bien les voir pour jouir du coup d’œil de la mastication. Baise-moi, mon cher petit bien-aimé. Je donnerais toutes les gobloteries du monde pour un baiser de toi. Baise-moi, mon cher petit homme. Pense à moi et viens me voir tout de suite. J’attends le Dabat tantôt, si tu pouvais être là pour lui expliquer tes fameux souliers, cela ferait mieux que moi qui n’y comprends pas grand-chose. Baise-moi toujours et aime-moi, voilà l’essentiel.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 87-88
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette


29 janvier [1842], samedi soir, 5 h. ¼

Eh bien, mon cher petit bien-aimé, où en êtes-vous donc de vos visites, de vos visiteuses, de vos affaires et de votre travail, que je ne vous vois pas ? Je dois vous paraître furieusement monotone avec mon même refrain deux fois par jour, mais c’est qu’en vérité, ma chanson ne se compose que de deux notes : le chagrin de votre absence ou le bonheur de vous voir. Je ne sors pas de là, toute ma vie y passe. C’est bête comme tout ce que je vous dis là [1], mais que voulez-vous que j’y fasse ? Taisez-vous et venez, ce sera la meilleure raison que vous puissiez me donner.
J’ai vu le bottier qui apportera la botte droite demain, élargie sur le petit doigt du pied. Quant aux souliers, il n’y comprend rien et c’est tout simple, mais il ne demande pas mieux que de comprendre et pour cela, il te prie de lui donner de plus amples informations et l’adresse du cordonnier en question, attendu qu’il y a des rues royales dans tous les quartiers de Paris. Du reste, j’ai bien fait toutes tes recommandations pour les bottes à faire : tiges douces et la botte droite un peu forcée en dehors, à l’endroit du petit doigt. Ai-je bien dit not-maîte ? – Oui, grosse Juju. – Baisez-moi alors et venez bien vite pour me récompenser de ma peine. Jour Toto. Jour mon cher petit o. Comment vont les viveurs ? J’espère qu’ils n’auront pas d’indigestion de leur boustifaille, monstre ? Vous n’en aurez pas non plus d’ailleurs vous car vous en prenez le moins possible.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 89-90
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Citation de Ruy Blas, où don César dit au laquais, à l’acte IV, « C’est bête comme tout ce que je te dis là ».

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