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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 janvier [1842], dimanche après-midi, 1 h. ¼

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour mon cher amour. J’ai beaucoup dormi et j’ai très mal dormi cependant, car j’ai rêvé des choses tristes toute la nuit, de toi et de ma fille. Cela tient à la disposition d’esprit dans laquelle je me suis couchée probablement. Je suis toute inquiète pour cette pauvre enfant et je la verrai retourner chez cette maîtresse d’école avec un chagrin inexprimable. Quand je pense qu’il ne faut qu’un moment pour que toute sa vie soit perdue, je tremble. Il faut cependant se raisonner et croire, comme tu dis : « que le malheur n’est jamais aussi grand qu’on le craint et le bonheur jamais aussi grand qu’on le croit ». Cependant, il est permis de faire des efforts pour que le malheur ne soit pas du tout, en supposant qu’on ne puisse rien pour le bonheur. J’écrirai à Mlle Hureau pour la prier de s’informer et de m’indiquer une maison plus rassurante que celle de cette vieille péronnelle. Si elle n’en connaît pas, nous serons forcés alors de la laisser là, en redoublant de surveillance et d’attention, mais je ne te cache pas que je serai très malheureuse et très tourmentée. Tu n’en seras pas étonné, toi qui comprends toute chose et surtout ce qui intéresse les mères et les enfants. Je t’aime, mon toto chéri, je t’aime, mon amour. Cela ne m’a pas empêché d’avoir d’affreux cauchemars de jalousie cette nuit, au contraire, mais j’attribue ces atroces rêves à la disposition d’esprit où m’avait mise la visite de Mlle Hureau. Dès que j’aurai vu ta belle figure et senti ton haleine ravissante, je croirai que tu m’aimes et je ne penserai plus à mes hideuses aventures de cette nuit.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 67-68
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette


23 janvier [1842], dimanche soir, 11 h.

J’allais t’écrire, mon amour, mais te voici. Tant mieux, j’aime mieux ça.

24 janvier, lundi soir, 9 h. ¼

Il m’aurait été impossible, mon pauvre ange, de t’écrire auparavant ce moment tant je souffrais de la tête. Le paroxysmea se calme un peu et j’en profite pour me remettre bien avec toi, car il paraît que lorsque je souffre, tu prends le change et que tu me crois féroce tandis que je ne suis que malade.
Depuis que tu es parti, mon adoré, je n’ai pas eu un moment de bon si ce n’est à présent que j’ai un peu moins mal à la tête, depuis que j’ai dînéb enfin. Aussi je me dépêche d’en profiter en te disant mille millions de fois que je t’aime, ce qui n’est que la vraie vérité. Je me réjouis et je me guéris en pensant que tu vas venir souper ce soir. Je t’ai gardé tout plein de bonnes choses, c’est-à-dire de quoi ne pas mourir de faim, voilà tout. Mais ce dont tu pourras manger et boire à discrétion et à indiscrétion, c’est mon amour : je te défiec, quel qued soit ton appétit, de l’épuiser et même de l’amoindrir.
J’ai écrit à Mlle Hureau tantôt, sous le couvert de son frère aîné, rue Saint-Jacques. J’ai écrit à Mme Triger pour demain, afin qu’elle m’envoie son mari pour Claire. En même temps, je lui fais porter ses 12 F. Je veux savoir à quoi m’en tenir le plus tôte possible sur la santé et sur le sort de ma pauvre péronnelle. Je sais aussi que je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 69-70
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « paroxisme ».
b) « dîner ».
c) « défis ».
d) « quelque ».
e) « plutôt ».

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