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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 janvier [1842], 4 h. ½ du soir, mercredi

Enfin vous vous êtes décidé, ça n’est pas malheureux depuis l’année passée j’en avais vraiment perdu le goût. Vous me l’avez rappelé aujourd’hui et je vous en remercie du fond de toute chose. Avouez que je suis une bien honnête femme et que je l’avais belle tantôt pour faire ma fortune à peu de frais ? Pas de témoins, deux hommes à côté et les billets de mille francs dans mes poches. Rien ne prouve quoi que ce soit moi plutôt que vous. Décidément j’ai manqué une belle occasion. Claire dessine votre petit buste. Nous verrons comment elle s’en tirera. La mère Lanvin ne viendra pas encore aujourd’hui. Il faudra que j’envoie jusque chez eux dire qu’on ne viendra pas chercher Claire demain ainsi que cela était convenu. C’est toujours bien ennuyeux ces allées et venues-là surtout de ce temps-ci. Mais j’oublie tout cela en pensant que vous soupez auprès de moi ce soir et demain encore je l’espère. Je vous ai fait acheter de l’élixir et puis il faudra que je fasse acheter demain de l’huile à brûler et du charbon, sans compter que je n’ai plus de vin depuis hier et plus d’épiceries depuis longtemps. C’est presque désespérant car à peine m’as-tu donné de l’argent qu’il est déjà dépensé et quand je pense à la peine que tu as pour le gagner, je suis tentée de donner MA démission de MON MÉNAGE, de MA MAISON, de MON APPARTEMENT. Je ris mais cependant je trouve ça fort dur et fort triste, mon pauvre adoré. Baise-moi. Je te dis que tu es mon pauvre amour bien-aimé de mon cœur. Oui, oui, vos cheveux frisent naturellement. Ia, ia, monsire matame gomme ine berrigue te gien tent apsoliment la même chausse vous êdre pien chenti. Baise-moi toi et viens que je t’ébouriffea tout de suite. Prends garde, mon pauvre amour, de ne pas glisser sur les glaces par ce temps hideux. Tu n’es pas assez opéra comique pour te trouver mieux d’une chute sur les glaçons que sur le gazon. Je t’engage donc à faire bien attention, mon cher petit homme de mon cœur. Claire continue son barbouillage. Je vois d’ici que c’est une vraie RACATURE [1], mais enfin la bonne volonté y est, le talent viendra peut-être un jour. En attendant, je verse un torrent de baisers et d’amour sur votre chère petite carcasse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 13-14
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « ébourriffe ».

Notes

[1À élucider (la lecture n’est pas douteuse).

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