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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 12 novembre [18]77, lundi soir, 3 h.

Pauvre chère Petite Jeanne, j’espère que la voilà tout à fait hors de toutes ces vilaines crises de rougeole et de scarlatine venues par saccades à la suite les unes des autres comme il arrive souvent dans ces maladies-là. J’espère que nous allons la revoir bientôt, sinon tout à fait guérie, au moins sans souffrance. J’espère aussi que vous serez parvenus, tous tant que vous êtes, sénateurs et députés, à débarrasser la France de Mac-Mahon et de sa bande [1] avant le retour de ta chère petite bien-aimée et que nous pourrons jouir à loisir de sa rentrée bénie dans nos foyers. En attendant, je me prépare à emboîter le pas derrière toi et à ne pas te quitter d’une semelle tant que durera ce mauvais état de chose. C’est mon droit et je ne le laisserai pas péricliter par ma faute. Cela dit, je te fais penser que tu n’as pas accusé réception à Nadar de ton portrait grand, petit et moyen, ce qui doit le contrister beaucoup. Je te fais penser aussi à remercier Rochefort de son monstrueux poisson. Enfin, mon adoré, tiens, te voilà ! Quel bonheur ! Merci d’être venu me surprendre en flagrant délire d’élucubration. Merci du copeau, merci si tu m’aimes, merci de tout et de bien autre chose encore. Merci, je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16398, f. 308
Transcription de Guy Rosa

Notes

[1On n’en est pas encore là. Le 19 novembre, Mac-Mahon, après la démission du ministère de Broglie, désigne le général de Rochebouët pour former le gouvernement. L’Assemblée refuse d’entrer en relations avec lui. C’est alors qu’est évoquée cette seconde dissolution, refusée par le Président du Sénat et que Hugo combat vivement avec toutes les gauches. Il note ainsi : « Au Sénat, 30 novembre 1877, 5 heures. – Tout à l’heure, Broglie était au milieu d’un groupe. Lafond de Saint-Mûr (mon parent, mais de la droite) s’approche. On parlait de la deuxième dissolution. – Pas de dissolution, dit Lafond de Saint-Mûr ! ce serait un coup d’État et Victor Hugo m’a dit qu’en cas de coup d’État il descendrait dans la rue et donnerait le signal de l’appel aux armes ! – Et il serait, certes, suivi ! dirent plusieurs sénateurs. – Alors, dit Broglie, ce serait la guerre civile ! cela en fait venir l’eau à la bouche.
Lafond de Saint-Mûr raconte la chose à qui veut l’entendre, et Jules Simon vient de me la redire. » (Carnets, albums, journaux, éd. citée, p. 900)
Il faut que la Chambre refuse de voter le budget, le 1er décembre, pour que le Président commence de « se soumettre » en invitant Dufaure à former un nouveau ministère après la démission du général Rochebouët et en renonçant explicitement à une seconde dissolution. Mais il affirmait encore sa volonté d’aller au bout de son mandat.

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