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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 octobre [1843], vendredi matin, 10 h.

Bonjour mon Toto adoré, bonjour mon cher amour, bonjour, bonjour. Je vous dis que je vous aime, êtes-vous sourd ? Pauvre adoré comment va ta petite oreille ? Je n’attends pas grand-chose de cette nuit mais cela ne peut point faire de mal. J’aurais voulu que M. Louis te donne un conseil pour te débarrasser tout à fait de cette douleur d’oreille que tu as gardée trop longtemps [illis.]
Comment s’est comporté le réveil de Charlot ? Ce pauvre Charlot a bien de la peine à rester dans les études de son programme qui sont cependant assez forcées comme ça sans les augmenter encore. Quant à moi, j’accepterais de grand cœur le programme tel qu’il est et bien plus encore si je devais avoir tous les jours une leçon de latin comme celle d’hier et vous pour professeur tous les jours. Je vous assure que je ferais de rapides progrès dans les longues et dans les brèves et que je scanderais des vers latins à la pointe de la langue en très peu de temps et que je traduirais les satiresa d’Horace par dessus la jambe. Jadis d’un vieux figuier j’étais le tronc stérile, Pour vous j’ai des chansons et pour elle autre chose. Malheureusement vous ne voulez pas de moi pour élève et pas beaucoup non plus pour AUTRE CHOSE. Je reste dans mon ignorance et dans mon isolement. Cependant, mon amour, je vous préviens qu’à partir de demain je vous tourmenterai tous les jours pour que vous veniez tous les jours me faire des traductions de Virgile et d’Horace et autre chose. Baisez-moi mon amour chéri et ne vous fâchez pas quand je vous dis mon Horace non expurgé. Je vous dirais encore bien autre chose si j’étais votre nymphe Églé [1] et que vous vous voulussiez bien payer votre rançon et je ne vous barbouillerais pas de mûres comme celle de la satirea.
Baisez-moi mon Toto. Aimez-moi je le veux et tâchez de venir dans la journée, je vous en prie de toutes mes forces. En attendant je vous baise de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 199-200
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « satyres ».


13 octobre [1843], vendredi soir, 4 h. ¾

Ma rapacité va encore montrer ses cormes, mon adoré, si vous ne vous dépêchez pas de m’apporter votre chère petite frimousse à baiser. Je trouve déjà que vous ne vous gênez pas de faire poser des vitraux gothiques quand je vous attends. Je recommence à trouver que vous aimez beaucoup trop votre chez vous et pas assez le mien. Bref je suis en train de retomber dans ma hideuse avarice. Vous n’êtes pas gentil, convenez-en, de ne pas venir me voir une pauvre petite minute dans la journée ? Si vous trouviez le temps aussi long que moi, mon cher amour, vous laisseriez bien vite tous vos arrangements de côté pour venir me baiser un pauvre petit moment de rien du tout.
Il fait un froid de loup. Jourdain m’a envoyé dire ce matin qu’il ne pouvait venir que mardi, ce qui me contrarie vu la douceur de la température. Je te prierai bien instamment, mon Toto, de me mener demain à la pension. Ce sera encore une épine de moins que j’aurai dans le pied. Quelles que soienta tes occupations intérieures, il faudra prendre un moment pour m’y conduire, n’est-ce pas mon Toto chéri ?
J’ai un peu mal à la tête ce soir mais j’attribue cela au froid qu’il fait aujourd’hui. Prends garde de ne pas attraperb de courant d’air toi et de ne pas t’enrhumer. C’est un soin qu’il faut que vous ayez tous les deux plus que personne, mes deux Toto [2] bien-aimés, je vous en prie de toutes mes forces et je vous baise de tout mon cœur tous les deux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 201-202
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « quelque soit ».
b) « attrapper ».

Notes

[1Églé, une des trois Hespérides, la plus belle des naïades.

[2Le second Toto est François-Victor Hugo.

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