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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 février [1842], mardi gras, 10 h. ½ du matin

Bonjour mon bon bien-aimé, bonjour mon cher adoré. J’espérais que le MARDI-GRAS me serait plus favorable que les autres jours mais c’est toujours la même chose. Cependant j’espère encore que tout n’est pas perdu. Nous avons encore la nuit du MARDI-GRAS au MERCREDI DES CENDRES qui est le vrai jour de fête, le vrai jour anniversaire du bonheur de toute ma vie [1]. Je suis si dévote à ce souvenir que ce serait un chagrin affreux pour moi si tu y manquais. Mais je suis sûre que tu viendras, n’est-ce pas mon amour adoré ? Baise-moi mon cher bijou, je t’aime. Depuis neuf ans que je te dis ce mot-là il n’a pas vieilli dans ma bouche, pas plus que le sentiment qu’il exprime dans mon âme. Je t’aime comme le premier jour, mon Toto adoré, et de tous les amours à la fois. J’attends cette nuit avec impatience. Je donnerais un an de ma vie pour être à cette nuit. Quel BONHEUR !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!aEncore autant d’heures que nous comptons d’années de bonheur et je serai la plus heureuse des femmes. Sois béni mon Toto, sois heureux dans tous ceux que tu aimes mon adoré. C’est le vœu le plus sincère de celle qui t’aime plus que la vie.

Juliette

BNF, mss, NAF 16348, f. 127-128
Transcription de Nicole Savy

a) Deux points d’exclamation, plus une ligne entière en contenant vingt-deux.


8 février [1842], mardi gras soir, 4 h.

Quelle belle journée mon amour et probablement aussi QUELLE BELLE NUIT si, comme je le désire et je l’espère, tu la passesa auprès de moi. Je t’aime mon Victor adoré, je t’aime de tout mon cœur et de toute mon âme. Viens vite. Je suis seule, j’ai envoyé ma servante porter la lampe chez Carcel [2] pour lui donner en même temps l’occasion de voir les masques, s’il y en a. Moi je les vois à domicile, car les petites Besancenot m’ont amené leur petit Jonas déguisé en Alsacienne. Vous voyez mon amour que je n’ai pas besoin de me déranger pour voir des chiants-lits [3], vous en savez quelque chose personnellement parlant.
Je vous dirai aussi que pendant que je faisais ma toilette dans mon cabinet, Jacquot qui était sur la barre de la croisée de ma chambre est tombé dans la rue, par le bruit d’une détonation d’un fusil ou d’un simple pétard, et que c’est une passante qui me l’a rapporté sur son doigt, tout penaud et tout tremblant. Et qu’il n’avait pas la moindre envie de mordre, fort heureusement pour l’obligeante passante qui l’avait ramassé et qui me le rapportait, car je ne m’étais pas aperçue de la chose et les chiens, les chats ou les filous auraient très bien pu en faire leur mardi-gras. Enfin tant de Coco de tué que de blessé [4], il n’y a personne de mort.
Et je vous attends plus que jamais, le cœur plein d’amour et d’adoration.

Juliette

BNF, mss, NAF 16348, f. 129-130 [5]
Transcription de Nicole Savy

a) « passe ».

Notes

[1Juliette célèbre l’anniversaire de leur deuxième nuit d’amour, celle du mardi-gras, le 19 février 1833.

[2Boutique et marque au nom de l’inventeur d’une lampe à huile.

[3On conserve l’orthographe, intentionnelle ou pas, de Juliette. Le chienlit est un masque grotesque du carnaval, accusé de souiller ses draps…

[4Expression à élucider.

[5Pagination inversée par erreur, 130-129.

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