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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 mars 1853

Jersey, 14 mars 1853, lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit Toto, bonjour, mon cher petit affairé, bonjour. Tâchez de n’avoir pas trop de démocrates à fouetter aujourd’hui et de servardes à pourtraire [1]a pour me donner un peu plus de temps, c’est-à-dire de bonheur, qu’hier. La journée promet d’être splendide et j’ai déjà une soif de chien de vous voir. Et puis, mon cher petit homme, vous me devez d’avance une restitus pour demain car vous vous en irez certainement plus tôt à cause de votre dîner chez Mme Le Flôb. Je suis comme le saint qui compte les minutes et je voudrais n’en jamais perdre une de celles que vous pourriez me donner. Il va falloir que j’écrive absolument à Paris aujourd’hui. Je ne comprends pas la mère Lanvin d’apporter tant de négligence surtout quand il s’agit de m’accuser réception de somme assez forte, comme la dernière par exemple. J’écrirai aussi aux Luthereau pour les prévenir qu’on se servira de leur couvert pour m’envoyer les lettres qui m’intéressent. Et à ce propos, je reviens sur mon opinion d’hier au sujet de mon portrait. Je crois qu’ils seraient très sensibles si tu leur donnais le tien et que cela nous les conserveraitc pour l’avenir car il n’est pas dit que nous ne serons pas obligés de nous en servir dans de certaines circonstances. Aussi mon avis, après le tien, serait de leur faire ce cadeau le plus tôt possible. Quant à mon portrait, je ne crois pas que cela puisse les flatter beaucoup et je tiens encore moins à le leur donner. D’ailleurs je ne peux pas le laisser faire. IL EST TROP TARD, comme pour les rois dégommés.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 259-260
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain

a) « pourtraires »
b) « Leflô »
c) « conserveraient ».


Jersey, 14 mars 1853, lundi après-midi, 1 h.

À quelque heure de la journée que je m’y prenne pour te gribouiller, mon cher petit homme, je me trouve toujours dans la même situation de corps et d’esprit, d’une part ton absence, de l’autre le désir de te voir. Aussi mes élucubrations se ressentent un peu trop de cette monotonie et finissent par se ressembler entre elles, comme deux gouttes d’amour. Il n’y a guère de variante que celle de bonjour ou bonsoir selon l’heure à laquelle je me livre à cette occupation. Aujourd’hui, mon cher petit bien-aimé, j’espère que, n’ayant pas de poste ni de portraits à faire, tu viendras un peu plus tôt. Cependant je ne veux pas me fier tout entière à cette espérance pour ne pas avoir à y renoncer tantôt. J’aime mieux avoir le plaisir de la SURPRISE si tu viens, que le chagrin de la déception si tu ne peux pas venir. En attendant je me livre aux douceurs du rhume de cerveau, c’est toujours cela, et je regarde ramasser le varech. Et puis je t’aime et puis je t’attends, sans jamais m’arrêter ni me lasser. De ton côté, mon cher petit homme, tâche de venir le plus vite possible pour mettre un peu de soleil dans mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 261-262
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain

Notes

[1Pourtraire ou portraiturer : peindre un portrait ou décrire un personne.

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