Paris, 17 juin [18]72, lundi matin, 8 h.
Bonjour, mon doux et grand bien-aimé, je suppose que tu as bien dormi pour me donner le droit de m’en réjouir séance tenante et avant que la bonne nouvelle ne me soit confirmée par Suzanne quand elle t’aura vu. Je pense avec joie que cette chaleur qui me semble insupportable te fait du bien et que tu jubiles d’autant plus que le soleil est plus ardent. Quant à moi j’ai déjà la tête, l’estomac et les entrailles à l’envers quoique tout soit clos chez moi et qu’il y ait à peine assez de jour pour ne pas se cogner contre les meubles. Je sue, je fonds, je ruisselle, je suis hideuse. Je donnerais des sommes pour pouvoir respirer un peu d’air frais, surtout de celui qu’on respire dans mon ravissant petit Guernesey dans ce moment-ci. Tu m’as promis de m’y mener bientôt mais je n’ose pas m’y fier car je sais par expérience combien tu t’appartiens peu, mais je serai bien heureuse le jour où tu m’y conduiras. Je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 171
Transcription de Guy Rosa