Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1836 > Décembre > 8

8 décembre [1836], jeudi matin, 10 h. ½

Bonjour mon bien-aimé, bonjour mon Victor chéri, bonjour mon cher amour, bonjour comment vas-tu ce matin ? Moi je vais aller bien, à la toussaillerie près, cependant. Je me suis éveillée aux trois quarts asphyxiée par une fumée épaisse qui sentait le soufre. Voilà déjà plusieurs jours que je m’aperçois que ma chambre est pleine d’une sorte de vapeur forte que je mettais sur le compte du brouillard, mais aujourd’hui il n’y avait pas moyen de se faire illusion.
Je me suis levée en toute hâte et j’ai fait donner de l’air avant toute chose. Puis quand j’ai été un peu remise j’ai fait venir la portière pour qu’elle eût à s’informer d’où pouvait venir cette fumée et en avertir la propriétaire.
La voilà qui vient de revenir. Personne n’a de feu et on ignore qu’est-ce qui peut produire ce phénomène. Ce qu’il y a de bien sûr c’est que ma chambre est encore pleine d’une fumée ou d’une vapeur infecte.
Enfin j’attendrai que ceci s’explique et je tâcherai de ne pas étouffer en attentant. Voilà, mon cher petit homme, les événements d’aujourd’hui. Ils ne sont pas très compliqués comme tu vois, ce qui n’empêche pas que je n’aie un grand mal de gorge que j’attribue à la fumée.
Je voudrais bien ne jamais me coucher avant ton départ, mon Victor chéri, parce que je profite mieux levée des quelques instants que tu passes avec moi. Aussi est-ce à mon corps défendant que je me couche et quand je ne peux pas faire autrement. J’espère que ce soir et les jours qui suivront, je ne serai pas forcée de me coucher. J’y ferai ton mon possible dans mon intérêt. Je te baise, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 221-222
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette


8 [et 9] décembre [1836], jeudi soir, 10 h. ½

Mon cher petit homme je suis très fâchée contre vous car enfin vous abusez des prétextes pour ne pas venir me voir plus d’une heure par jour, indéfiniment. Je vous assure que je n’en suis pas la dupe et que tôt ou tard je finirai par éclater comme une vraie bombe.
Comme vous pouvez le voir d’après l’heure à laquelle je vous écris nous sommes rentrées de très bonne heure. Heureusement car il n’y avait que quatre chats crottés dans la salle qui puaient comme quarante [illisible] de mon pays. Nous n’avons vu que trois pièces qui en valaient soixante pour l’ennui et les bâillements par trop prolongés. Enfin nous en voilà quitte Dieu merci. C’est dans des soirées comme celles-ci que l’état de mère est pénible.

9 décembre [1836], vendredi soir 7 h

Je ne veux pas laisser cette belle page blanche sans la barbouiller du haut en bas de mon amour. Si vous en faisiez autant pour moi je lècherais fameusement bien les bords. Mais vous savez ce que vous valez, vous, et vous ne vous prodiguez pas comme moi parce que vous n’êtes pas bête et que vous n’êtes pas amoureux non plus.

J.

Maison de ventes Ader, salle Favart, 20 mai 2014, n° 165 (expert Thierry Bodin)
Transcription d’Evelyn Blewer

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne