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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 27 novembre, [18]65, lundi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, je t’aime. Je sais que tu n’es pas encore levé mais je n’en n’augure rien de mauvais dans ta nuit parce qu’il est encore bien matin et parce qu’il est probable que pendant que je te gribouille ceci tu t’inondesa d’eau froide de la tête aux pieds [1]. Moi, pendant ce temps-là, je suis venue me remettre au lit bien chaudement, ce qui est assez lâche et je regarde sortir le gros soleil rouge de la mer entre Serk et Jersey [2]. À le voir si incandescent, on serait tenté de se croire au mois de juillet, mais je crains que tout ce beau feu ne se termine promptement par une averse carabinée. J’en serais fâchée parce que je désire ardemment remmailler nos charmantes petites promenades sur lesquelles le mauvais temps met son veto depuis que nous sommes revenus. À propos, ne serais-tu pas d’avis que je donne quelque chose à Virginie à l’occasion de sa noce [3] ? Je crains de paraître bien maussade et bien serrée par comparaison avec tes générosités et celles de ton entourage. Il en est de même pour les pauvres que tu secoursb et pour lesquels je ne donne jamais rien ne voulant pas te forcer à contribuer deux fois, sous ton nom et sous le mien. Mais cette réserve dont nous savons le motif doit paraître aux yeux de tout le monde sécheresse et dureté de cœur et Dieu sait si c’est vrai. Je m’y résigne pourtant pour ne pas augmenter tes charges qui se multiplient de jour en jour et sous toutes les formes. Quant à la jeune Virginie, ce ne serait qu’un pardon gracieux de ma part si je lui donnais quelque chose, attendu qu’elle ne m’a jamais rendu aucun service personnel. Je donnerai donc ou ne donnerai pas selon que tu le jugeras à propos. En attendant je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16386, f. 189
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « t’inonde ».
b) « secoures ».

Notes

[1Chaque matin, Victor Hugo fait des ablutions d’eau froide, nu, sur son balcon.

[2Iles anglo-normandes.

[328 novembre 1865 : mariage de Virginie Henry avec Edouard Macé, ouvrier charpentier. Elle quittera le service de Hauteville House dès le lendemain de la cérémonie.

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