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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 décembre [1835], mardi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon petit Toto chéri, comment as-tu passé la nuit, mon cher adoré ? Il a fait bien froid et tu paraissais bien fatigué hier au soir. Mon cher petit homme, mon bien-aimé, je t’aime avec le cœur, je t’aime avec tout mon être, je t’adore.
J’ai très bien dormi. Seulement, toute la nuit j’ai chevauché sur les montures et en compagnie des personnages de Goya. Il ne m’est arrivé aucun accident du reste. Bêtes et gens se sont conduits avec beaucoup de douceur et de politesse. Quand vous me verrez, mon petit homme chéri, vous me trouverez parfaitement remise de ma cavalcade de nuit et de JOUR.
Je vais faire monter la portière parce que chez moi, il y a une fumée épaisse quoique je n’aie pas de feu. C’est ben agréable.
Mon cher petit homme, si vous saviez combien je vous aime, vous seriez bien joyeux dans le fond de votre âme. Si vous saviez combien votre pauvre Juju s’inquiète de votre chère petite personne, vous laisseriez là pour quelque temps vos travaux nocturnes pour ne faire que dormir et vous dorlotera dans les bras de votre petite femme. Voilà ce que vous feriez, mon cher petit homme.
En attendant que vous vous rendiez à mes bons conseils, je vous aime. Je vous habille de baisers depuis les pieds jusqu’à la tête pour que cela vous tienne bien chaud. C’est une précaution qui peut ne pas être inutile par le temps qui court.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 248-249
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « dorlotter ».


22 décembre [1835], mardi soir, 8 h. ¼

Mon cher petit homme, il m’est arrivé toute sortes d’aventures : la première de toutes, c’est qu’après avoir bien arrangé mon feu et au moment où il s’allumait, la bûche du fond est tombée en entraînant tout avec elle. J’ai voulu la relever mais elle me prenait trop de temps. J’ai mieux aimé t’écrire et je n’ai pas de feu, ce qui est très héroïque et très amoureux par cette température.
La seconde de mes tribulations, c’est qu’il n’y avait plus que dix huîtres chez la marchande, ce qui m’a rogné mon dîner d’autant, car j’ai fort peu mangé de ratatouille et pour cause. Je passe sous silence mes autres infortunes, me réservant de vous les conter moi-même lorsque vous viendrez me voir.
Mais mon cher petit homme, je vous aime trop. C’est bête. Vous devriez mettre bon ordre à cela. Je vous prie de me donner des grands coups de poings dans le nez et encore toute réflexion faite, cela ne servirait à rien. Je suis d’une pierre dont on tire du feu en la battant. Je ne vois donc aucun moyen de m’empêcher de vous aimer comme une insensée. J’en prends bravement mon parti et je vous aime de toutes mes forcesa.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 251-252
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « me forces ».

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