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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 novembre [1835], jeudi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, mon Toto chéri. Je n’ai pas le courage de te gronder, car je crois que si tu n’es pas venu c’est que ton travail et l’excès de la fatigue qui en résulte t’en auront empêché. Aussi ce n’est pas un reproche que je t’adresse mais une plainte du fond du cœur.
Vois, hier, je t’ai vu à 5 h. ½ pour la première fois, ensuite à 11 h. ½ pour la seconde, ce qui fait un total de 2 h. pour toute la journée. Ce n’est pas assez pour vivre, à plus forte raison pour être heureuse.
Je suis donc fort triste et ne sachant comment passera cette journée qui sera sans doute aussi triste, aussi solitaire que les autres, je crains mon impatience, je crains la disposition à souffrir dans laquelle je me trouve aujourd’hui. Je crains d’être injuste après avoir été malheureuse.
J’ai bien froid dans mon lit. Il faudra que je trouve un moyen de me couvrir pour t’écrire et pour déjeuner dorénavant, car on ne peut pas tenir à cette température. La bonne m’a dit qu’il avait neigé. J’attribue les douleurs d’entrailles que je sens ce matin au mauvais temps froid.
Je reviens à ma tristesse malgré moi. Il est certain que si je ne te vois pas bientôt, je ne sais pas dans quel état tu me retrouveras.
Je te demande pardon dans tous les cas. Et je t’aime de toute mon âme et beaucoup trop.

J.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 110-111
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « passé ».


12 novembre [1835], jeudi soir, 8h. ¼

Non, mon cher petit homme, je ne t’en voudrai pas si tu ne viens pas ce soir puisque je suis prévenue que ce sera à cause de ton travail.
Vous m’avez fait une scène bien absurde ce soir, convenez-en. Il a fallu toute la douceur, toute la longanimité dont je suis susceptible pour ne pas m’emporter en raisons extravagantesa. Enfin, je vous pardonne. J’espère que je suis généreuse.
J’ai dînéb face à face avec mon [oie  ?]. Je lui ai livré un combat à outrance dans lequel il s’est très bien défendu. Mais en définitif, la victoire m’est restée. J’en atteste, mon cure-dent que je tiens d’une main dans le moment où je vous écrisc et qui est occupé à nettoyerd le champ de bataille.
Mon bon cher petit homme, si vous venez ce soir n’importe à quelle heure, je serai contente. Mais si vous ne venez pas, je serai triste. Voilà tout. Vous savez que je vous aime, que je vous reconnais pour mon tyran et que je vous demande pardon platement pour toutes les vérités que je ne peux pas m’empêcher de vous dire, telle que celle-ci : je vous aime. Je t’aime mon Toto adoré.

J.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 112-113
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « extravaguantes ».
b) « j’ai dîner ».
c) « je vous écrit ».
d) « netoyer ».

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