6 novembre 1868

Guernesey, 6 novembre [18]68, vendredi matin, 7 h. ¼

Depuis quand es-tu levé, mon cher petit piocheur ? Mais là n’est pas la question la plus intéressante pour moi et j’aimerais mieux savoir si tu as bien dormi, longuement et tranquillement. En attendant que tu m’apportes toi-même de bonnes nouvelles de ta nuit, je te flanque le bulletin de la mienne qui a été excellentissime depuis le moment où je me suis couchée jusqu’à quatre heures ce matin. Ce bon sommeil de cinq heures m’a regaillardie^a tout à fait et je me sens capable de TOUT et Zozo d’Ems [1] par-dessus le marché. En ce moment, tel est mon caractère^b. Ça ne m’empêche pas de trouver la température un peu raide ce matin. J’espère que tu auras usé de ta trappe. C’est le cas ou jamais de t’en servir contre l’action toujours dangereuse de l’air trop froid sur le corps nu. Le docteur Axenfeld a eu raison de te donner ce conseil prudent et tu feras bien de le suivre de tout point. Autre conseil : je vous prie de m’aimer, de n’aimer que moi en tout temps, en tous lieux^c et par toutes les températures. Et je vous en donne l’exemple en vous adorant immuablement.

BnF, Mss, NAF 16389, f. 305
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « m’a regaillardit ».
b) « telle est mon caractère ».
c) « en tout lieux ».