Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1870 > Janvier > 1

Guernesey, 1er janvier [18]70, samedi matin, 7 h. ¾

Mon grand cher bien-aimé, je remercie Dieu avec toi, je prie pour toi comme tu le fais pour moi. Je le bénis et je t’adore. Je ne le comprends, ne le vois et ne le sens qu’à travers mon amour pour toi. Il sait et je suis sûre que, loin de l’offenser, il m’approuve. Comment as-tu passé cette nuit, mon pauvre petit souffrant ? J’attends avec impatience que l’heure soit venue d’envoyer chez toi pour savoir si ta nuit ne s’est pas trop ressentie du mauvais temps qu’il fait. Peut-être même chargerai-je Suzanne de te porter cette pauvre petite restitus comme étrenne de mon âme a la tienne. À ce propos, je crois que je donnerai cinq francs tout à l’heure en notre nom à Henriette car je trouve dur de ne lui rien donner à elle malade et pauvre quand nous comblons Suzanne toute l’année riche et bien portante... relativement ! D’ailleurs mon grand et inépuisablement bon et généreux homme il est juste de payer la joie de notre amour plus grand, plus parfait et plus rayonnant encore après trente-sept ans que le premier jour. J’espère que tu es de mon avis et je t’en remercie avec bonheur et avec reconnaissance. Je te donne tout mon cœur, toute ma vie, toute mon âme pour l’éternité. Je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16391, f. 1

Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette


Guernesey, 1er janvier [18]70, samedi soir, 4 h. ½

Mon cher bien-aimé, je te prie d’être indulgent pour cet excès de rabâchage qui ne t’apprenda rien de nouveau mais qui me rend bien heureuse. J’espère que tu as reçu de bonnes nouvelles de tes enfants et de tes amis. Je ne te parle pas des visites qui sont toujours pour toi plus ou moins des corvées. Quant à moi j’ai esquivé le citoyen CORBIN encore une fois. La maladie d’Henriette ne me laisse aucun loisir et c’est à grand’peine que j’arrive à faire son service et le mien entre les deux coups de canon du matin et du soir [1]. Encore si je pouvais entrevoir la fin de ses bobos. Mais rien ne me dit que le terme en est proche et j’ai grand peur du proverbe : une chose chasse l’autre et cela indéfiniment. Pour comble d’embarras la pauvre Suzanne souffre aussi elle, et beaucoup. Heureusement que tu es là pour relever les courages et remplir tous les cœurs de lumière et de joie, le mien, surtout, et bien par-dessus tout. Sois béni, mon grand adoré autant que tu es admiré, vénéré et aimé par moi.

BnF, Mss, NAF 16391, f. 2

Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette

a) « apprends ».

Notes

[1La coutume et l’usage militaire affirmaient par un coup de canon rituel la dépendance de Guernesey à la couronne anglaise, tous les matins à cinq heures.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne