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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 juillet [1839], vendredi matin, 10 h. ½

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour mon adoré. Claire est partie ce matin avant que je sois éveillée. Quant à moi, j’avais selon ma louable habitude de femme distraite donné la reconnaissance du 16 8bre prochain pour celle du 8 juillet [1839]. Lanvin s’en est aperçua à la maison et a dit à la bonne de me remettre le papier en me prévenant que je m’étais trompée. J’en serai quitte pour envoyerb Suzanne demain chez lui, mais c’est toujours du temps de perdu. Quant à l’argent, il vient de servir à payer la dépense de la maison et à faire recette pour demain, ce qui n’est pas un très grand tour de force attendu que nous RÉGORGEONS DE PROVISIONS. L’accent excessivement aigu qui brille sur le « ré » de « gorgeons » n’est point unec allusion maligne àd la diction du sieur Frédéric [1] mais un hasard. AUTRES DÉTAILS : le marchand de vin est venu hier au soir pendant que la bonne était sortie, il a laissé son vin. Du reste rien de nouveau au poste, sinon que je vous aime plus que jamais. C’est tantôt que le sieur Chappelle viendra. Je ne serai pas fâchée d’en être débarrassée, surtout pour toujours. Baise-moi mon petit homme et tâchons de faire notre petit voyage le plus tôt possible. D’abord c’est le moyen de nous débarrasser de tous nos créanciers. Et puis les malles-postee sont si engageantes, et puis les cathédrales sont si DRÔLES, et puis la campagne est si gaie, et puis les aubergistes sont si voleurs, et puis je vous aime tant que rien ne nous doit plus arrêter et allons… route.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 73-74
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « apperçu ».
b) « envoyez ».
c) « un ».
d) « de ».
e) « malles postes ».


5 juillet [1839], vendredi soir, 7 h.

Il est sept heures, mon Toto, à ma pendule et Chappelle n’est pas encore venu mais il est probable que c’est reculera pour mieux sauter, ainsi je ne me réjouis pas du tout de sa non-venue. Je t’aime mon Toto. Je t’aime mon petit homme, tu es ma gloire et ma joie, ma vie et mon amour : seulement je ne t’ai pas assez. Je voudrais t’avoir toujours plus et je t’ai toujours moins, ce qui fait un fameux déficit dans mon bonheur. Quand donc récupérerai-jeb ? J’ai bien besoin de me rabibocher car je suis furieusement à sec de patience et de résignation. Il n’y a que la diligence qui puisse passer pour un ACOMPTE et vous devriez bien, mon cher petit USURIER, m’en donner une, je vous fais grâce des CHAMEAUX, des SOURICIÈRESc, des serins, des OURS, fussent-ils de St-Antoine, et des balets [2] à pot de chambre, eussent-ils tous figuréd à l’opéra. J’espère que je suis engageante et qu’on peut traiter avec moi ? Je ne mets à ça qu’une condition, c’est que pendant six semaines, vous ne quitterez pas le côté droit de ma poche. Ça vous va-t-il ? Est-ce marché conclu ? Alors topeze où vous voudrez, je vous laisse le choix, et baisez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 75-76
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « reculé ».
b) « récurpérai-je ».
c) « souricière ».
d) « figurés ».
e) « taupez ».

Notes

[1Vu le contexte, il s’agit vraisemblablement de Frédérick-Lemaître.

[2L’orthographe avec un seul « l » permet un jeu de mot entre « ballets » et « balais ».

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