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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 26 juillet 1858, lundi, 7 h. du matin

Bonjour, mon cher petit convalescent, bonjour avec l’espoir d’une bonne journée pour toi, bonjour. Je ne pourrai savoir que dans une heure comment tu as passé la nuit, mon bon petit homme, mais en attendant j’espère que tu vas toujours de mieux en mieux. Nous entamons aujourd’hui la grande semaine de la grande convalescence, mon ineffable bien-aimé, et, si rien ne vient en contrarier la marche, j’aurai le bonheur de te voir mercredi ou jeudi. Je l’espère et le docteur le pense de même, c’est encore bien long d’ici là mais j’aurai toute la patience qu’il faudra plutôt que de risquer ta guérison par des DÉSIRS trop impatients. Si on m’avait dit à l’avance que je serais séparée de toi aussi longtemps et dans l’impossibilité de te donner mes soins pendant tes longues souffrances, mon pauvre adoré, j’aurais craint de manquer de courage et de résignation et j’aurais préféré mourir. Et pourtant me voilà tant il est vrai que Dieu dépense la force et la patience en raison même des épreuves qu’il impose aux pauvres créatures humaines, cela ne m’empê[che ] pas d’être bien malheureuse et bien triste loin de toi, mon pauvre bien-aimé et de hâter ta guérison de tout mon cœur et de toute mon âme.

BnF, Mss, NAF 16379, f. 174
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette


Guernesey, 26 juillet 1858, lundi, midi ½

Le bon docteur est toujours dans le ravissement de l’état général de ta santé, mon adoré, et de ta plaie en particulier. Encore deux ou trois jours de patience et les bourgeons charnus seront tous sortis et on pourra te donner un peu à manger et tu pourras essayer tes forces et tes jambes et peut-être même venir jusque chez moi jeudi ou vendredi. La main me tremble de joie en écrivant cela, quoique ce ne soit encore qu’une espérance bien éloignée pour mon cœur impatient. Mais après tant de si poignants et de si longs jours d’inquiétude et de douleur, cette espérance paraît le bonheur même. J’ai fait mettre ce matin un pot au feu neuf. Dans une couple d’heures tu pourras avoir un bouillon frais et un œuf frais. Je pense que le bon Quesnard m’apportera de re-bonnes nouvelles de toi tout à l’heure, mon cher petit homme. En attendant, je vais faire de la charpie que je te ferai porter tantôt. Jusque là, mon bon petit convalescent, soigne-toi bien, pense à moi et aime moi. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16379, f. 175
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette


Guernesey, 26 juillet 1858, lundi, 9 h. après-midi

Cher bien-aimé, j’espère que tu devines toutes les tendresses et toutes les caresses de mon amour, à travers les banalités que je t’envoie par Kesler ou Miss Ailex. Si tu savais combien je t’aime tu retrouverais la trace de mon amour dans l’air que tu respires, dans le rayon qui te baise, dans l’oiseau qui passe devant tes yeux, dans la mouche qui bourdonne à ton oreille car il est partout autour de toi. Ma pensée ne te quitte jamais, mon cher adoré, et mon corps, mon cœur, mon âme guettent toutes les occasions de se manifester à toi sous tous les prétextes. Je t’ai fait dire par le citoyen Kesler que j’avais du bouillon frais et froid. Je t’ai envoyé un œuf et je te fais de la charpie à force quoique le docteur espère n’en n’avoir plus besoin bientôt. Déjà, la consommation diminue beaucoup. Encore quelques jours de pansement et tu seras tout à fait guéri et moi tout à fait heureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16379, f. 176
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette


Guernesey, 26 juillet 1858, lundi, 8 h. du soir

Mon bien-aimé, encore trois ou quatre grands jours et je pourrai te baiser à bouche que veux-tu. Je sais que tu as passé une journée parfaite d’après le bulletin Quesnard. Ce bon Quesnard est vraiment bien bon pour moi ; il vient trois fois par jour me donner de tes nouvelles. Tantôt encore je l’ai forcé à te porter lui-même la charpie, ne voulant pas m’en rapporter à tes servantes dont l’étourderie m’effraye. Je disa que je l’ai forcé à retourner chez toi parce qu’il craignait d’avoir l’air d’un chercheur de dîner le pauvre homme ! La marmite se trouvait renversée parce qu’il avait oublié l’heure où elle est sur ses pattes pendant la lecture qu’il te faisait. J’ai bien regretté de n’avoir qu’un affreux petit bouilli isolé. Je l’aurais retenu à dîner, pour le récompenser de sa garde et pour le remercier de la peine qu’il se donne à m’apporter de tes nouvelles plusieurs fois par jour. Malheureusement, cela n’était pas possible [illis.]. Je m’aperçois que je suis à bout de papier avant d’avoir commencé de t’aimer ce qui ne finit jamais. J’espère que Suzanne va m’apporter un bon bulletin tout à l’heure. En attendant, bonsoir, mon adoré bien-aimé ! Dors bien, je t’aime.

BnF, Mss, NAF 16379, f. 177
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

a) « dit ».

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