Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Décembre > 10

10 décembre [1840], jeudi, midi ¾

Bonjour mon cher petit homme, bonjour mon adoré. Pourquoi n’êtes-vous pas venu ce matin, j’espère que ce n’est pas dans la crainte de manquer d’eau de Cologne et d’élixir ? Encore moins dans la crainte de me donner une matinée de joie ? Je vous dirai au reste que j’ai fort mal dormi toute la nuit à cause de douleurs que j’avais par touta le corps et principalement dans le dos et dans les reins. J’ai eu aussi un froid de loup, je n’ai pas pu me réchauffer. Enfin telle que vous ne me voyez pas je me suis levée tard et toute grinchue et très mécontente de vous. Car enfin si vous étiez venu me réchauffer et me dodinerb tout cela n’aurait pas eu lieu et je serais la plus heureuse des femmes à l’heure qu’il est. J’attends mes créanciers de pied ferme grâce à vous. Je voudrais bien que ce fût aujourd’hui pour la dernière fois encore plus pour toi que pour moi. Je t’aime mon petit Toto, je t’adore mon petit homme mais je voudrais savoir pourquoi tu n’es pas venu ce matin ? Dans l’espoir que vous me rabibocherez ce soir, je vous ai acheté deux petits maquereauxc longs comme le doigt mais si verts, si frais et si nacrés qu’on les mangerait tout crus. Je vous préviens qu’ils sont achetés pour vous et que je n’y toucherai pas que vous ne veniez. Ainsi sid ce n’est pour moi que ce soit pour eux que vous ayez de la pitié.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 217-218
Transcription de Chantal Brière

a) « partout ».
b) « daudiner ».
c) « macreaux ».
d) « si »


10 décembre [1840], jeudi soir, 4 h. ½

Vilain méchant bien-aimé, pourquoi donc ne venez-vous pas ? Vous ne savez donc pas combien vous êtes nécessaire à ma joie, à mon bonheur, à mon existence tout entière que vous me laissiez là sans pitié ? Cette journée m’a parua éternelle quoique je l’eusse commencée assez tard ce matin. Je n’ai encore vu que l’homme de Gérard et la mère de Mme Guérard pour l’argent. Jourdain n’a pas encore envoyé, ce qui n’est pas dans ses habitudes. J’ai pris sur moi de donner 5 f. à la bonne sur l’argent de Mignon qui ne viendra probablement pas avant dimanche mais je n’ai pas voulu être en compte avec Suzanne en sus de ses gages déjà échus. Je te rends compte de tout, mon bon petit homme, dans les détails les plus fastidieux mais c’est ainsi que tu le veux. Pour me conformer encore plus à ta volonté je te dirai que je viens d’accorder à Suzanne d’aller faire un tour chez sa tante pour savoir ce qui s’y passe et comment va sa petite cousine qui est [à] l’hospice de l’Enfant Jésus depuis trois semaines. Comme je ne sors pas moi-même il faut que je prenne un jour où je n’ai pas de cuisine à faire pour donner quelques heures de congé à cette fille. C’est assez juste, n’est-ce pas ? Baise-moi toi, je t’aime de toute mon âme et je continue de plus en plus à rester enfermée dans ma maison à voir tourner MES POUCES sur mes pieds. Voime, voime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 219-220
Transcription de Chantal Brière

a) « parue ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne