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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 décembre [1840], mercredi soir, 4 h. ¾

Je vous écris en chemise, mon cher bijou, comme une femme très échauffée que je ne suis pas. Je compte sur ma FLAMME pour dégourdir un peu le bout de mes doigts. Je n’oserais pas en faire autant de vos FEUX qui m’ont l’air d’être passablement éteints. Le bottier a rapporté votre beutte raccommodéea et je lui ai donné 15 sous pour ça, autrement dit 75 c., si vous croyez que je peux fournir à tous vos besoins vous vous trompez furieusement à preuve qu’il n’y a pas un sou dans la caisse. Il est vrai que j’ai à payer demain la somme intéressanteb de 126 f. 70 sous sans compter l’eau de Cologne, l’élixir, etc., etc., etc. Pauvre bien-aimé, je ne sais vraiment pas comment tu peux suffire à tout ça et j’en suis toujours effrayéec quand vient l’époque des comptes aux créanciers. Je mets pourtant je t’assure bien de l’économie dans l’intérieur de mon ménage mais empêcher quelques petits ruisseaux de couler ne diminue en rien le débordement du Rhône quand il a lieu. Mon Rhône à moi ce sont mes dettes et je doute fort que nous puissions y résister longtemps au train dont ça [illis.]. Je voudrais pouvoir ramer avec toi mais j’ai les bras et les pieds liés par ton préjugé absurde de sorte que je ne peux rien que me noyerd quand l’occasion s’en présentera. En attendant je t’aime et je suis folle de toi. Ah ça il me semble à propos de fleuve et d’autre chose que l’Académie, c’est-à-dire ta nomination [1], tombe dans l’eau ? Soumet et Guiraude [2] ne donnent aucun signe de vie comme de vrais académiciens qu’ils sont. Voime, voime, ils sont fort gentils tous et ne ressemblent pas mal à des [papions  ?] ganalisés [3]. J’espère au moins que cette 333. 429 expérience te guériraf de la manie de compter sur l’amitié de tous ces vieux cochons dont le plus grand mérite estg d’être imbécilesh quand ils ne sont pas des cuistres et des Wormspire [4]. Je me mêle de ce qui ne me regarde pas mais ça m’est égal, je suis furieuse contre ces vieux gredins amis et ennemis. Ils sont tous des vieux blaireux et je leur dirai à eux-mêmes quand ils voudront.
Blaireux toi je t’aime. Baise-moi toi, tu es beau. Baise-moi encore, tu es bon et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 215-216
Transcription de Chantal Brière

a) « racommodée ».
b) « intérressante ».
c) « effrayé ».
d) « noier ».
e) « Juiraud ».
f) « guériront ».
g) « et ».
h) « imbécilles ».

Notes

[1Hugo fait campagne pour entrer à l’Académie Française. Il sera élu le 7 janvier 1841.

[2Alexandre Soumet (1786-1845) et Alexandre Guiraud (1788-1847).

[3Embaumés.

[4Personnage louche de Robert Macaire, beau-père du héros (et escroc) éponyme.

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