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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 juillet [1840], vendredi matin, 11 h.

Bonjour mon adoré, bonjour mon bon petit bien-aimé, bonjour mon Toto chéri. Ma pendule avance de près d’une heure et puis j’ai voulu apprêter mes comptes de [la fin ?] du mois tout prêtsa pour ce soir et pour te donner aussi le temps de venir. Je suis si triste quand tu n’es pas là auprès de moi que je diffère le plus que je peux à t’écrire parce que je sens que mes doléances doivent t’ennuyerb et te sortir par les yeux. Mais le temps est si vilain que je doute fort qu’on t’aitc laissé revenir. Aussi je suis gaie à l’avenant de cette supposition. Claire est partie hier à 5 h. ½ mais on n’avait pas pu rejoindre M. Pradier pour lui mener sa fille. Il y met peu d’empressement et de bonne volonté ce qui n’ajoute pas à mes idées riantes dans ce moment-ci. De plus je suis dans une mauvaise époque et de plus encore j’ai lu cette nuit l’article sur ce galeux de Planche ce qui m’a fait entrer dans une fureur noire contre ce hideux crapaud. S’il avait été sous ma fenêtre je lui aurais vidé mon pot de chambre sur la tête avec délices, ce qui l’aurait peut-être nettoyéd. Quel immonde gredin, quel dégoutant cuistre. D’y penser ça vous soulève le cœur. Pouah ! le cochon. Il est vrai que Michiels [1] lui dit : « …… M….. » Ne parlons plus de ce lépreux. Ma fleur tombe pétale à pétale, ce soir il n’y aura plus que les feuilles, c’est triste. Je garde les pétales comme souvenir mais c’est bien peu de chose auprès de l’éblouissante fleur. Enfin je lui rends tous les honneurs dus à sa beauté, à son rang et son parfum, elle n’a pas à se plaindre. On dirait que le temps s’éclaircit. Si tu pouvais revenir pour déjeuner il ferait bien beau dans mon cœur et le soleil ne serait qu’un lumignon auprès des rayons de ma joie mais j’en [doute ?]. Je ne suis pas habituée à voir see réaliser ce que je désire le plus au monde. Jour Toto, à ce soir j’espère. D’ici là je vais être bien triste, bien maussade, bien impatiente et je vais te désirer de toutes mes forces. Je t’aime Toto. Je t’aime mon bon, mon beau, mon grand Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 65-66
Transcription de Chantal Brière

a) « prêt ».
b) « ennuier ».
c) « t’est ».
d) « nétoyé ».
e) « ce ».

Notes

[1Alfred Michiels (1813-1892), critique et essayiste. Dans La France Littéraire de 1840, il signe deux articles qui éreintent Gustave Planche et dénoncent sa propension au plagiat. Il y est par ailleurs question de reproches infondés faits à Victor Hugo par le critique de la Revue des Deux mondes.

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