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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 juillet [1840], dimanche matin, 7 h. ½

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon petit blagueur que j’aime, bonjour effronté menteur. Bonjour, bonjour, je voudrais baiser vos pieds. Nous vous avons attendu jusqu’à minuit et demi hier, comme c’est spirituel. Et puis vous nous faites faire de la cuisine inutile. Outre que c’est peu amusant il est triste de charger la dépense sans nécessité. Taisez-vous je vous dis que vous n’avez pas raison. Et votre rendez-vous de Bernard à sept heures ce matin ? Il paraît que ce n’était qu’un RANZ DEZ VOUS [1] ? Je l’avais deviné scélérat. Mme Lanvin est venue pour chercher Claire hier mais comme elle n’a pas fini encore son travail de triage je lui ai dit que nous la ramènerions nous-mêmesa à la pension. Du reste je n’ai vu personne, pas même Mme Guérard, malgré les nombreux rendez-vous qu’elle m’a donnésb. Le temps ne paraît pas fameux ce matin, ce serait bien ennuyeuxc s’il pleuvait car tu ne pourrais pas sortir et marcher dans la fameuse allée qui monte à l’inconnu. Quant à moi cela ne me contrarie peu attendu qu’il fait toujours assez beau pour garder la maison. Mon rosier et mon amaranted continuent à être les plus belles fleurs de mon jardin. Je crois que nous avons fait une bonne acquisition et je suis sûre que je vous aime de tout mon cœur et de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 9-10
Transcription de Chantal Brière

a) « nous-même ».
b) « donné ».
c) « ennuieux ».
d) « amaranthe ».


5 juillet [1840], dimanche après-midi, 3 h.

Je t’écris ceci pendant la grande averse, mon Toto, en souhaitant de tout mon cœur qu’elle ne te crève pas sur la bosse, éloigné de toute habitation et sans parasol. Au fait je ne sais pas pourquoi je prends tant d’intérêt à ce que vous ne soyez pas mouillé jusqu’aux os, vous qui me laissez me morfondre à vous attendre infructueusement. Je suis trop bonne de prendre tant de souci de votre santé, vous qui en prenez si peu de mon bonheur. Taisez-vous. Vous n’avez pas la parole, laissez-vousa agonir de sottises, vous ne les avez que trop méritées mais ne vous faites pas mouillerb. Je vous aime Toto. Quand commençons-nous le fameux récurage ? Dans quatre jours je serai à vos ordres mais auparavant et pour cause je suis en train de faire mon fameux fichu en guipure, il est vrai que si le temps continue à être aussi pleurnicheur nous ne sommes pas prêts d’avoir nos portraits. Claire pioche, pioche sur un monceau de papiers hideux, rien que le bruit biche, piche, guiche, diche, miche, chiche, iche, niche et fiche me fait mal aux dents mais ce n’est rien en comparaison de l’agacement aigu que j’aurais s’il me fallait remuer moi-même cet effroyable grimoire. Tâche de revenir de bonne heure ce soir, mon amour. Je t’attends et je te désire de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 11-12
Transcription de Chantal Brière

a) « laissé-vous ».
b) « mouillé ».

Notes

[1Dans la lettre du 2 juillet, Juliette cite un jeu de mots qu’aurait fait Hugo en rapprochant « rendez-vous » et « ranz des vaches ».

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