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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 juin 1840

12 juin [1840], vendredi après-midi, 2 h. ½

Vous voilà parti, mon pauvre bien-aimé, Dieu sait quand je vous reverrai avec les affaires, les visites, la campagne [1] et la 1re communion [2] qu’il y a dans l’air. Je ne suis pas contente, je flaire une absence et je souffre terriblement des reins. Je viens cependant d’acheter trois petites tanches pour vous ce soir mais j’avoue que je compte peu sur vous pour les manger. Je serai surprise bien agréablement si vous venez dîner aujourd’hui. Je vous aime Toto, mon petit Toto, je vous adore. Vous m’avez fait une belle peur tantôt ! Voime, voime, c’est très spirituel ça et puis votre séance hier au foyer de la Comédie sont deux choses qui m’ont été infiniment agréables et que je voudrais ne plus revoir jamais. Je n’en dis pas autant des chemins de fer, des jardins de Versailles, de la négresse et de ses créoles, non plus que de vous et de votre ébouriffante conversation, je donnerais 10 ans de ma vie, si je les ai, pour une journée pareille à celle de lundi dernier. Je voudrais aussi assister à la première communion de mon cher petit Toto. Il me semble que ça me porterait bonheur et à lui aussi quoiqu’il n’ait pas besoin de mes prières pour être le plus charmant et le plus heureux des enfantsa. Mais ce qui abonde ne vicie pas surtout en bonheur et en affection. Je voudrais mon Toto être bien sûre que tu viendras ce soir et je sens que mon mal de reins diminuerait de moitié et qu’au lieu d’être la plus maussade et la plus triste des femmes j’en serais la plus joyeuse et la plus heureuse. Malheureusement je me suis fourré dans l’esprit que tu allais à Saint-Prix aujourd’hui et jusqu’à ce que je te revoie je resterai dans mon idée fixe et dans mon humeur noire. Baise-moi mon Toto. Sois-moi bien fidèle mon amour et reviens bien vite.
Quelleb chaleur étouffante et qu’il ferait bon de se déshabiller à l’ombre comme nous faisions autrefois dans les bois des Roches [3]. Hélas où est ce temps-là ? Je t’aime toujours autant et peut-être plus si c’est possible.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 205-206
Transcription de Chantal Brière

a) « enfans ».
b) « Quel ».

Notes

[1La famille Hugo s’est installée au château de la Terrasse à Saint-Prix pour l’été.

[2Il s’agit de la première communion de Victor, le fils cadet.

[3Lors des étés 1834 et 1835, Hugo avait installé Juliette et sa fille non loin de la propriété des Bertin aux Roches, près de Bièvres, où il séjournait en famille. Les amants se retrouvaient dans les bois environnants.

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