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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 février 1840

29 février [1840], samedi après-midi, 1 h.

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour mon Toto chéri. Comment vas-tu mon petit homme ? Il fait bien beau aujourd’hui, c’est bien dommage que tu ne puissesa pas nous faire sortir. Je vais habiller Claire après le déjeuner, je voudrais qu’elle vît son père et j’en doute à cause de la lambinerie des Lanvin. J’ai passé une assez mauvaise nuit, moi, je crois que c’est l’absence d’exercice qui en est cause. Je suis comme les chevaux qui deviennent furieux si on les laisse trop longtemps à l’écurie. Je rueb, je m’emporte, je mords, je hennis, je prends le mors aux dents et puis je souffre beaucoup, voilà mon histoire. Je vais tâcher aujourd’hui de bien copier les vers que tu m’as demandés [1] ? Je vois avec chagrin que Mlle Didine me surpasse dans l’écriture, malheureusement je ne vois pas de remède à cela si ce n’est d’aller à l’école et, dans ce cas, le remède serait pire que le mal. Enfin je vais bien m’appliquer. J’écrirai tantôt à la mère Pierceau en lui envoyant l’adresse de Furne [2] que j’ai vue hier dans la presse ; depuis six semaines ce n’est pas malheureux. Mais je suis de l’avis de [Thierry ?] : vaut mieux tard que jamais. Baisez-moi toujours et tâchez de venir me voir bientôt, j’ai faim et soif de vous et je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 214-215
Transcription de Chantal Brière

a) « puisses ».
b) « ruee ».


29 février [1840], samedi soir, 6 h. ½

Au moment où nous arrivions Mme Pierceau allait sortir parce que son fils était pour deux jours chez sa cousine et qu’elle s’ennuyaita d’être seule chez elle. Du reste nous lui avons fait plaisir du moins à ce qu’elle dit. Il paraît qu’on n’ab pas donné La Calomnie [3] hier parce que le Samson venait de perdre une de ses filles. Ce méchant homme éprouve la colère du bon Dieu comme s’il en était digne. Je ne sais pas d’autres nouvelles. Mme Pierceau vient de sortir pour tâcher de nous trouver un premier acte de dîner, j’espère manger le cinquième dans votre compagnie SUIVIc d’un ÉPILOGUE un peu soigné. Je suis bien contrariée que Lanvin n’ait pas eu l’argent et que Claire n’ait pas vu son père [4] après tout l’ennui que j’ai eu hier à cette occasion le bon Dieu me devait bien cette compensation. Enfin il faut vouloir ce qu’on ne peut empêcher c’est encore le mieux et le plus sage. Toto vous êtes très i par derrière mais vous êtes beau et ravissant par devant, voilà mon opinion politique et littéraire. Sur ce, baisez-moi et tâchez de nous décrocher le plus tôtd possible de notre sixième étage. Quel bonheur nous soupons avec vous ce soir. Quel bonheur ! Baisez-moi encore. Toujours, toujours. Et puis soyez injuste, méchant, soupçonneux et faites-moi marcher dans la boue, je m’en fiche comme de l’an 40. Je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 216-217
Transcription de Chantal Brière

a) « s’ennuiait ».
b) « a ».
c) « SUIVIE ».
d) « plutôt ».

Notes

[1Vers du recueil Les Rayons et les Ombres.

[2L’éditeur-libraire Charles Furne a publié en 1840 une édition de Notre-Dame de Paris en deux volumes in-8, illustrés entre autres de gravures hors texte de Tony et Alfred Johannot.

[3Comédie d’Eugène Scribe créée au Théâtre Français le 20 février 1840.

[4Le sculpteur James Pradier.

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