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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 novembre [1837], mardi midi.

Je savais bien, moi, que vous ne viendriez pas du tout. Je ne me suis malheureusement pas trompée. Vous n’êtes qu’un fanfaron, voilà tout. Vous criez toujours par-dessus les toits Juju je vais revenir, Juju patati, Juju patata, et en réalité vous ne faites rien de rien. J’aurais bien voulu vous voir ce matin et savoir ce qui se passe, mais vous vous pendriez avant que de faire quelque chose pour m’être agréable. J’ai mal à la tête et le teint échauffé. Voilà six jours que je n’ai pas mis le pied dans la rue. Je ne dis pas cela en manière de reproche, car je sais que tu as été occupé. Cependant si tu peux me faire sortir aujourd’hui, cela me fera du bien. Vraiment je me calcine au coin de mon feu sans en bouger jamais. Jour mon petit o. Je voudrais bien voir le fameux discours [1] et jouir un peu de l’aplatissementa d’un Delangle [2]. J’ai presque envie d’envoyer au cabinet de lecture, mais vous me gronderez [3]. Je n’ose pas, c’est bête ! À bientôt n’est-ce pas mon petit homme ? Il est bien temps que ce soit mon tour. Je t’aime pourtant plus que tout le monde réunib et je n’en suis pas mieux partagée.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 25-26
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « applatisement ».
b) « réunis ».


7 novembre [1837], mardi soir, 9 h.

Soir mon petit o, soir mon grand Toto. Vous êtes beau. Vous avez parlé admirablement. Enfoncez le Védel et autres [4]. Je n’ai vu personne que Mme Pierceau. Je lui ai lu ton discours [5] ainsi que l’article de la presse. Elle a ria jaune. Moi j’ai rib de tout mon cœur en attendant ceux qui riront les derniers car il faut bien s’attendre à tout de la part de ces hideux stupides et voleurs de juges. Je voudrais bien que ce fût fini n, i, ni [6]. Je t’aime mon petit chéri, je t’aime tant que je ne peux pas le dire. Je voudrais bien que tu viennes à présent. J’ai besoin de te baiser. J’ai besoin de toi pour être bien joyeuse. Je voudrais que tu pusses arriver comme l’autre foisc, ce serait d’autant plus le moment que le petit Pierceau crie de toutes ses forces ce qui constitue un médiocre concert. J’aimerais mieux autre chose. Je ne sais plus ce que je dis. Le petit mâtin, quelle geule. Viens bien vite mon petit homme. Je t’aime encore mieux que ce braillard de garçon. Soir pa, à bientôt. Je t’aime, je t’aime, je t’adore de partout.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 27-28
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « rit ».
b) « ris ».
c) « l’autrefois ».

Notes

[1Allusion au discours qu’a prononcé Hugo pour sa propre plaidoirie lors de l’audience du 6 novembre dans le procès contre la Comédie-Française.

[2Avocat de la Comédie-Française dans le procès que lui a intenté Hugo.

[3Juliette a déjà menacé Hugo de se procurer elle-même les journaux dont il la prive, en les envoyant chercher par la bonne au cabinet de lecture.

[4Hugo est en plein procès contre la Comédie-Française.

[5Hugo a prononcé lui-même sa plaidoirie lors de l’audience de la veille.

[6Locution qui signifie « fini pour de bon ». La formule était courante à la fin des airs de vaudeville.

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