29 mars 1868

Guernesey, 29 mars 1868, dimanche matin, 7 h.

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, comment ta nuit ? Je sais que tu viens de te lever en même temps que moi, quoique je ne t’aie pas vu accrocher ta serviette. Est-ce que tu as mal dormi ? Ou bien est-ce que le froid de ce matin t’a acoquiné au lit plus longtemps que de coutume ? Je préfère, pour ma part, cette dernière supposition à l’autre car rien ne m’est plus désagréable que de penser que quelque chose a manqué à ton sommeil ou au train-train de tes journées. À propos de train-train, ton déjeuner doublé de ta pose [1] va t’ennuyer quelque peu, je le crains, à moins que tu n’en prennes gaillardement ton parti. J’espère que la bouderie de soleil ce matin ne persistera pas et qu’il tiendra, au contraire, à honneur de se montrer au moment utile pour collaborer avec son traducteur Garnier, si digne de ce nom. Il serait fâcheux que tant d’embêtements^a, de gigot et de dérangement n’aboutissent pas à un beau portrait de toi. J’espère que tout ira COMME SUR DES ROULETTES et, pour ma part, je vais m’occuper tout à l’heure de ton dessert : mais auparavant, il faut que je me donne la joie de te baiser de l’âme de la tête aux pieds.

BnF, Mss, NAF 16389, f. 90
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tant d’embêtement ».