Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Mars > 29

29 mars 1840

29 mars [1840], dimanche après-midi, 1 h. ¾

Bonjour mon bon petit bien-aimé, bonjour mon amour, bonjour ma joie. Comment vas-tu ? Comment vont tes yeux ? Comment va ton cœur ? Comment m’aimes-tu ? Moi je vais bien et je t’aime plus que jamais quoique je t’aimasse de toute mon âme depuis le premier jour, c’est égal, il me semble que dans l’intervalle d’une minute à l’autre mon amour redouble. Allons voici que je viens de brûler un de tes petits linges. Heureusement que nous n’en manquons pas. Je t’aime mon Toto. J’ai toujours ta penséea présente, j’ai toujours besoin de te voir, j’ai toujours faim et soif de ton amour. J’ai été bien contente de passer ma soirée toutb entière avec toi. Cela m’arrive si rarement que c’est presque un événement dans ma vie. J’espérais qu’aujourd’hui, dimanche, tu viendrais peut-être déjeuner avec moi, mais je me suis trompée comme toujours. Du reste je sens bien que ce n’est pas ta faute et que tu es accablé d’affaires et de travail. Mais je t’aime et je voudrais te voir tous les jours et toutes les nuits sans interruption. C’est pas ma faute, mon Toto, mais c’est comme ça. Tâche de penser à l’affaire de Mme Krafft à la préfecture, ce sera lui rendre service et c’est tout ce que nous pouvons faire de mieux pour elle en attendant que nous lui donnions l’aquarelle de Nanteuil qui n’a plus figure d’image tant elle est enfumée et fondue dans le noir à l’heure qu’il est. Mais je m’en fiche, baisez-moi et aimez-moi de toute votre âme. Je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16341, f. 314-315
Transcription de Chantal Brière

a) « pensé ».
b) « toute ».


29 mars [1840], dimanche soir, 4 h. ½

Quel vilain temps, mon pauvre petit homme, et que j’ai peur que tu n’attrapesa la grippe, dont tu avais déjà des symptômes hier, à courir les rues comme tu le fais. Je t’aimerais bien mieux au coin de mon feu, je serais bien plus tranquille et plus heureuse que de te savoir comme les chiens errants sous la neige et la pluie. Je ne pense pas que la mère Pierceau vienne de ce temps-là et puis il est probable que son Démousseau lui aura fait une scène pour l’escapade d’hier quoiqu’en vérité il n’y ait pas de quoi. Du reste je ne serais pas fâchée qu’elle ne vienne pas parce que nous serions dispensés de lui donner l’argent des tableaux et de la table que l’épicier hier et le marchand de vin aujourd’hui ont ébréchéb. Je voudrais pour tout au monde que tu me laissassesc vendre quelque chose, ne fût-ced que pour te donner le temps de finir ce volume [1] qui t’occupe et te presse. Pense à ce que je te dis, mon amour, et que c’est du meilleur de mon cœur et de l’amour le plus pur et le plus tendre que vient ma proposition. C’est bien vrai, mon adoré, et tu peux me croire comme si c’était toi. Donne-moi tes chers petits pieds que je les baise, donne-moi ta chère petite bouche que je l’adore. Je t’aime, je t’aime, je t’aime. Prends bien soin de toi, mon bon petit homme, et surtout ne te refroidis pas. Il fait un temps à ne pas jouer avec le froid et l’humidité. Je t’aime, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 316-317
Transcription de Chantal Brière

a) « attrappes ».
b) « ébréchés ». L’objet du verbe est plutôt le mot « argent ».
c) « laissasse ».
d) « fusse ».

Notes

[1Il s’agit du recueil de poèmes Les Rayons et les Ombres.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne