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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 mars 1840

15 mars [1840], dimanche après-midi, 2 h. ¼

Je t’écris bien tard, mon Toto chéri, la faute en est à la couturière qui est montée chez moi après avoir donné une robe à Mme Besancenot ; elle m’a rectifié tous les petits défauts de ma jolie robe de Lyon [1], je l’ai essayée trois fois, tout cela prend du temps comme tu pensesa. Bref je n’ai pas encore déjeunéb et je ne t’ai pas écrit, je suis joliment en retard avec mon estomac et avec mon cœur. Je me dépêche de satisfaire le dernier pour donner à manger au premier. Je vous aime mon Toto. Je vous adore mon petit homme. Je vous remercie de tous les dons que vous m’avez faitsc cette nuit, il y en a un surtout inestimable pour moi. Vous savez lequel ? - +++ - cependant j’aurais mieux aimé que vous n’allassiez pas au théâtre et ne pas l’avoir. Je cours toujours de trop grands risques à vous laisser aller dans des endroits où il y a tant de femmes en toilettes, coquettes, et qui ne demandent qu’à attirer vos regards. Pour vous faire vivre de ma vie de solitude et de prison je renoncerais à tous mes trésors de poésie parce que j’aime mieux être heureuse que riche, j’aime mieux la sécurité que la vanité, l’amour que l’admiration. Mon Dieu, quel affreux temps, on n’y voit plus. Baisez-moi mon petit homme et ne me faites pas de scène si vous ne me trouvez pas aussi avancée dans mes affaires que je le devrais. Vous en savez la cause et je vous aime.

BnF, Mss, NAF 16341, f. 270-271
Transcription de Chantal Brière

a) « pense ».
b) « déjeuner ».
c) « fait ».


15 mars [1840], dimanche soir, 6 h. ¼

Je voudrais bien savoir où vous alliez par là, mon amour ? Je ne suis pas la dupe de votre travail par un temps pareil, aussi je m’inquiète en conséquence de ces promenades obstinées que la pluie, la neige, le vent et la grêle ne peuvent pas arrêter ? Je vous ai demandé de me faire sortir ce soir, vous n’avez pas voulu, cela va sans dire, il suffit que je vous le demande pour que de la meilleure grâce du monde vous me refusiez. Mon Dieu que je voudrais rattrapera mon cœur de votre tyrannie ; je n’en ferais pas à deux fois et jamais plus je ne retomberais dans l’amour stupide qui me fait tourner mes pouces depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre en vous attendant tandis que vous allez en soirées, aux premières représentations et que vous recevez chez vous. Mais parlons d’autre chose… car ce sujet n’est gai pour personne. Vous, il vous ennuie, moi, il me fait pleurer.
Je vous dirai pour nouvelle que le même accident de l’autre jour [2] a reparu aujourd’hui. J’espère que cette fois ce sera pour de bon et que je n’en serai pas pour mes frais de bricole et d’affuquiau, d’ailleurs l’époque est assez raisonnable pour que cela demeure au moins huit jours. Je voudrais bien avoir à copier, cela m’irait joliment bien ce soir et vous ferait pardonner tous vos trines. Vous devriez, au lieu de courir les bonnes fortunes de quelques filles plus ou moins suspectes, m’apporter un de vos manuscrits, vous y gagnerez de ne pas vous enrhumer et moi j’y gagnerai de la tranquillité et du bonheur pour toute la soirée. Je vous aime trop, mon Toto, c’est mon refrain et ma chanson.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 272-273
Transcription de Chantal Brière

Notes

[1Robe achetée à Lyon que Juliette considère un peu comme sa robe de mariée et portée à l’occasion de l’engagement solennel de Hugo vis-à-vis d’elle et de sa fille en novembre 1839.

[2Problème de menstruation, voir la lettre du 9 mars à 7 h. du soir.

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