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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 17 octobre 1852, dimanche matin 8 h. ½

Bonjour, mon Victor, bonjour, avec tous les joyeux souvenirs d’hier, bonjour, avec toute ma reconnaissance pour ce bonheur inattendua, bonjour avec tout mon cœur et toute mon âme, bonjour. J’espère que tu seras arrivé juste à temps pour écrire ce qui te préoccupaitb en route et pour satisfaire l’impatience si naturelle de ta famille et de ton convive. Quant à moi je suis rentrée à la maison la tête remplie de toutes les merveilles que je venais de voir et le cœur débordant d’amour et d’adoration pour toi, mon sublime bien-aimé, à qui je dois tout : plaisir, santé, bonheur et jusqu’à la vie même. Pour complément à cette splendide journée j’ai trouvé, m’attendant chez moi, ton cher petit cœur tout monté avec tes initiales adorées gravées, le nom de l’île et la date. Tout cela un peu grossièrement fait mais laissant intact l’important, la chère petite pierre ramassée par toi à mon intention. Je l’ai baisée et portée avant de prendre le temps de me déshabiller. Puis je me suis mise prosaïquement le dos au feu, le ventre à table et j’ai mangé comme une Juju satisfaite que j’étais. En lisant une très longue lettre de ma Julie [1], laquelle vient de se mettre dans ses meubles et de prendre patente pour enseigner aux petites filles l’art de parler et d’écrire correctement, selon la tradition de L’Homond [2], et l’art d’être les plus antinaturelles, selon l’intelligence et le cœur. Dieu veuille qu’elle y fasse fortune, elle en a le droit autant que j’ai celui de te préférer à tout dans ce monde et dans l’autre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 59-60
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « inatendu ».
b) « préocupait ».


Jersey, 17 octobre 1852, après-midi 1 h. ¾

L’appétit vient en mangeant et le désir d’être avec toi me vient toujours, c’est pourquoi je suis insatiable de bonheur. Cela ne m’empêche pas de comprendre tes devoirs, tes occupations et j’allais dire le RESTE, mais, comme je ne veux pas mentir le saint jour du dimanche, je supprime le RESTE que je ne veux pas comprendre sans moi. Je disais donc, mon cher petit homme, que je voudrais être toujours avec toi mais que je me résignais devant tes affaires et tes affections de famille à ne te voir que lorsque tu pouvais venir auprès de moi. Demain sans espoir de RÉCOMPENSE, j’aurai le courage d’être très heureuse de ton absence et la vertu de me résigner à ne pas te voir de la journée. Il faut un fier amour pour avoir tant de générosité et vous chercheriez vainement une seconde Juju plus introuvable que votre encrier.

BnF, Mss, NAF 16372, f. 61-62
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[2« La grammaire est l’art de parler et d’écrire correctement » est la première phrase de la Grammaire française de Lhomond (1727-1794) en usage dans les écoles au XIXe siècle.

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