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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 29 novembre 1852, lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon trop aimé petit homme, bonjour. Je suis encore bien plus habile que vous, moi, car je n’ai pas besoin de double verre, de papier, de chimie et de soleil pour vous reproduire sous toutes les formes dans mon cœur. L’amour est un fameux stéréoscope qui fait la nique à toutes les photographies et à tous les daguerréotypes du monde. Il sait aussi, le cas donné, convertir les noirs de la jalousie en confiance blanche et mettre en relief le moindre petit bonheur, la plus petite marque d’amour. Aussi je ne sais pas pourquoi je désire si ardemment multiplier autour de moi vos chères petites images, à moins que ce ne soit pour les comparer avec celles de mon musée intérieur. Quoi qu’il en soit, mon cher petit homme, je vous supplie de m’en donner une le plus tôta possible car je sens que cela me fera un bien vif plaisir. En attendant, mon pauvre grand persécuté, je ne sais pas quellesb sont les terribles épreuves que l’avenir te garde mais je sais que tant que j’aurai un souffle de vie, je l’emploierai à te défendre, à te garder, à te servir. La confiance en mon amour va jusqu’à la superstition, car je suis convaincue que tant que je t’aimerai, rien d’irréparablement mauvais ne peut t’arriver en ce monde. Ce n’est pas orgueil et encore moins fatuité de ma part, c’est une sorte d’intuition pieuse qui me semble venir de Dieu même.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 211-212
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette
[Massin]

a) « plutôt ».
b) « qu’elles ».


Jersey, 29 novembre 1852, lundi matin, 11 h.

En voyant alternativement reluire un rayon de soleil et tomber une averse de grêle et de pluie on serait tenté de se croire au mois de mars plutôt qu’au mois de décembre, surtout quand on jette les yeux sur les jardins qui sont verts et exubérants comme au printemps. Quant à moi, mon cher petit homme, hiver ou printemps tout m’est également doux et charmant pourvu que tu sois avec moi et que tu m’aimes. Ce n’est pas une manière de parler c’est la vraie vérité. Je n’espère pourtant pas te voir ce matin car tu travailles. Mais je t’attends de bonne heure et si tu n’es pas trop préoccupé je te prierais de me faire marcher un peu tantôt. Il y a déjà bien longtemps que je ne suis sortie et je sens que j’ai besoin de prendre l’air. En attendant, mon cher petit homme, je vais me dépêcher de copire pour t’engager à m’en donner d’autres. Tu vois l’empressement d’Hetzel il ne faut pas que ce soit moi qui retarde cette impression si désirée [1]. Aussi je vais m’y mettre d’amour et sans désemparer au moins en tant qu’il dépend de moi et puis je t’aime à deux genoux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 213-214
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Négociations de Victor Hugo et Hetzel pour la publication des Châtiments.

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