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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 8 novembre 1852, lundi matin 8 h.

Bonjour mon grand bien-aimé, bonjour mon sublime adoré, je t’admire autant que je t’aime. Tu es mon amour, doux et terrible, indulgent pour ceux qui souffrent, implacable pour ceux qui triomphent dans le crime. Je te vénère et je te bénis. Je voudrais être toi un moment pour te louer et t’admirer comme tu le mérites. Mais tout ce que mon esprit ne sait pas dire, mon cœur le sent et le traduit en amour. Nous sommes revenus doucement hier et je n’ai pas eu la moindre douleur au cœur. Ce matin, je me sens très heureuse et très prédisposée à toutes sortes de bonheur. Ceci, sans la moindre arrière-pensée de partie de plaisir. Il suffit que j’espère te voir et de penser que tu m’aimes pour me combler de joie. Et je ne sais pourquoi ce matin j’ai cette espérance et cette confiance plus que de coutume. Cela tient peut-être au rayon de soleil qu’il fait dans ce moment-ci et qui a attiré une foule de baigneurs dans les rochers. Je ne veux pas dire que ce soit l’affluence des baigneurs qui soit cause que je me sente plus de sécurité dans l’âme, et par conséquent plus de bonheur. Je ne pousse pas la sympathie pour le soleil jusque-là. Non, mon cher petit homme, tout ce que j’ai de bon et d’heureux en moi me vient de vous seul. C’est pour cela que je suis si souvent triste et découragée quand tu me manques. Tâche que mon pressentiment d’aujourd’hui se réalise et que mon espoir ne tourne pas en déconvenue. Je t’attends en m’occupant de toi, comme toujours, et je t’aime à pleins bonds. J’attends avec impatience que tu me donnes de la bonne petite besogne [1] que je ferai avec tout mon zèle et tout mon mieux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 143-144
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Jersey, 8 novembre 1852, lundi après-midi, 3 h.

Si tu as le bon esprit de profiter de ce beau soleil pour te promener et être heureux, je te pardonne de me laisser là. Mais si tu restes dans quelque coin sombre sous prétexte d’importun ou de travail, je me révolte et je trouve le procédé ignoble, telle est ma grandeur.
Maintenant, mon pauvre bien-aimé, pour peu que tu tardes quelque temps, je ne te verrai presque pas de la journée. Est-ce que tu trouves cela juste ? Je sais bien que tu me permets de me mettre tout ce que je veux dans la boule et de faire rouler l’canapé si cela me plaît. Mais cette liberté ne suffit pas pour empêcher l’incommensurable embêtement que j’éprouve loin de toi et l’impatience immodérée que j’ai de te voir. Ceci dit, je n’insiste plus car je crois savoir que tu me donnes tout le temps dont tu peux disposer. Aussi, mon cher petit bien-aimé, je ne t’en veux pas, je ne grogne pas, je t’aime et je te bénis. Tu devrais bien me mettre le plus tôt possible à la besogne [2]. Je sens que cela me ferait du bien et me donnerait le courage de t’attendre sans trop de tristesse. Est-ce que tu n’as rien de prêt, vers ou prose ? Je préfère les deux choses à la fois si tu me donnes le choix.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 145-146
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Manuscrits à copier.

[2Travail de copie des manuscrits de Victor Hugo.

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