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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 7 novembre 1852, dimanche matin 8 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, et bien que dites-vous de votre garde improvisée ? Je vous assure que vous chercheriez longtemps avant d’en recruter une aussi dévouée. De votre côté, mon cher petit bien-aimé, je vous supplie de fermer votre porte à la clef quand vous vous couchez. C’est bien le moins que vous fassiez cette concession à toutes les sollicitudes qui veillent sur vous. Votre sécurité personnelle ne suffit pas pour rassurer ceux qui vous aiment et encore moins moi, dont vous êtes la vraie vie. Quoique vous en disiez, le féroce gredin de l’Élysée [1] ne se ferait aucun scrupule de vous faire assassiner s’il le pouvait au risque de nuire à sa fausse popularité. D’ailleurs, mon cher petit homme, les portes sont faites pour être fermées. Il n’y a que vous au monde qui ayez une opinion contraire sur ce sujet. Je vous dirai, mon cher petit homme, que si vous ne voulez pas échigner trop vite vos terribles [illis.] vous ne les feriez pas galopera à fond de train comme hier parce que peu s’en est fallu que la pauvre Juju ne soit devenue fourbue du premier coup. Dorénavant, vous voudrez bien la mettre au pas et ménager son haleine et surtout son cœur qui s’arrange médiocrement de courses échevelées ! Et bien comment s’est passé le cidre [2] de Charlot ? Le ROUX, pas Pierre [3] était-il bien épais ? Avez-vous fait grande sensation dans ce nouveau cercle de démocrates ? À quelle heure vous êtes-vous retiré ? Ces dames ont-elles honoré de leur présence cette inauguration du salon démagogique du jeune « sans culotte » Charlot ? Vous comprenez qu’à défaut d’événements dans mon intérieur, je m’intéresse à ce qui se passe chez vous. Aussi je ne vous tiens pas quitte de questions et tantôt, quand je vous verrai, je les renouvellerai au risque de vous embêter plus que tout. Ce que j’ai dans la boule depuis le fameux jour en question ; en attendant, mon cher petit bien-aimé, je vous envoie mes plus tendres patenôtres et je vous prie de venir le plus tôt possible pour me faire bien contente et bien heureuse. D’ici là je vous baise autant de fois qu’il y a de grains de sable dans la baie d’Azette et de gouttes d’eau dans l’océan.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 141-142
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « galopper ».

Notes

[1Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III.

[2Depuis le séjour en Belgique, « cidre » désigne une réunion politique dînatoire.

[3Jeu de mots sur Pierre Leroux, que Juliette Drouet n’aime guère.

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