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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 3 novembre 1852, mercredi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, avec l’espoir d’une belle journée, bonjour. J’en ai pour ma part quelque peu besoin car voilà deux nuits que je ne dors pas, ce que j’attribue à la pluie de tous ces derniers temps. Il fait un soleil à couper au couteau et tout à fait propice au déjeuner de Gorey. Mais pourtant, mon pauvre petit homme, je n’y compte pas pour aujourd’hui. D’abord parce que l’heure est déjà passée pour l’omnibus. Il faudrait, pour être sûr d’y arriver à l’heure, y coucher la veille. C’est encore le meilleur moyen pour voir lever l’aurore dans ces parages lointains mais charmants. Pour aujourd’hui il n’y a aucun moyen d’y être utilement pour notre goinfrerie et notre curiosité. Quant aux KALAÏCHES [1] particulières les [15 6 ½ ?] de déficit ont tellement rogné le velours de novembre qu’il n’en reste pas de quoi faire le manteau d’une pièce. Ce n’est pas que je ne sois une Juju à m’endetter jusqu’au cou pour un seul jour de bonheur avec vous, quitte à tourner le dos pour toujours au temple de mémoire en chantant la même note sur le gouffre du déficit. J’ai pas le sou, j’ai pas le sou, la richesse c’est pas le Pérou, et je dînerai je sais pas où, mais ce qu’il y a de sûra c’est que j’ai bien déjeuné à Gorey avec mon Toto. En attendant que nous prenions cet air à l’unisson, je me borne au souhait vertueux de te voir tantôt et de ne te quitter que le plus tard possible.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 127-128
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « c’est qui a de sûr »


Jersey, 3 novembre 1852, mercredi matin, 11 h. ¾

Je ne suis occupée que de la pluie et du beau temps, c’est à dire de ce qui peut t’empêcher de venir ou te décider à quelques bonnes petites promenades avec moi. Malheureusement, je me trompe souvent dans mes prévisions. Ce matin il faisait un temps ravissant et tu n’es pas venu. Maintenant le voilà qui se gâte. Sera-ce une raison pour que je te voie plus tôt ? Question que je te pose de loin et à laquelle tu répondras Dieu sait quand. Il ne m’en reste pas moins le regret de ne t’avoir pas vu ce matin et peu d’espoir de te voir de bonne heure ce tantôt. En désespoir de cause je vais me jeter dans la couture jusqu’au cou. Ce divertissement est médiocre par tous les temps mais encore plus quand il fait un peu beau. Mon cher petit homme, je suis honteuse de t’obséder sans cesse, mais il faut absolument que tu avises au moyen de faire passer l’argent du Mont-de-Piété avant huit jours car le délai de treize mois échoit juste le 11. Avec la lenteur de la poste nous n’avons plus une minute à perdre pour décider si tu feras toucher chez Meurice ou si tu emploieras la voie d’un banquier. Il s’agit pour cette fois de soixante francs que je te remettrai, mais il faut te décider aujourd’hui même. Je suis vraiment triste de t’ennuyer autant, mais cela URGE, on ne peut pas davantage. Mais ce qui urge plus que tout au monde c’est le besoin de te voir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 129-130
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Cette orthographe volontairement fautive imite un accent snob.

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