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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 11 août 1852, mercredi matin

Bonjour, mon tout aimé, bonjour je vous aime et vous ? Vous avez bien fait de ne pas venir au devant de moi hier au soir, car vous auriez été mouillé comme je l’ai été moi-même pour avoir voulu suivre l’itinéraire convenu. Du reste j’ai fait une campagne inutile, le compatriote n’ayant eu aucune envie de louer sérieusement. Cela m’avait paru d’autant plus fâcheux qu’il n’y a pas beaucoup de choix dans le susdit Marine-Terracea. Je m’en suis venue assez inquiète sur la manière de me tirer de ce mauvais pas et j’y songeais en t’attendant lorsqu’à neuf heures, au moment où je me déshabillais, le petit garçon de l’hôtel est venu me dire qu’on demandait à me parler. Craignant que ce fût quelqu’un de mal renseigné, je refusai ma porte et j’envoyai Suzanne savoir qui c’était ; on répondit que c’était une dame chez laquelle j’étais allée voir des appartements. Je regrettai beaucoup alors de ne l’avoir pas reçue, pensant que c’était notre Français qui après réflexion m’envoyait faire des propositions acceptables. Mais cette fois encore je m’étais trompée. La personne d’hier vient de revenir tout à l’heure et n’est autre que la propriétaire de Nelson Cottage. Elle venait me dire que son mari apprenant que je louerais pour tout l’hiver me laissait le logis à 8 shellings par semaine c’est à dire à quarante francs par mois. Elle prétend que je peux très bien me nourrir avec ma bonne pour 3 shellings par jour ce qui porterait le total pour ma nourriture et mon loyer à 11 shellings par mois environ. Cette somme dépasse de beaucoup trop encore notre premier devis, mais j’ai la conviction qu’il est impossible, la localité étant donnée, d’avoir à meilleur marché le logis. Je dois rendre réponse aujourd’hui à trois heures. Il serait utile avant de conclure que je te visse pour savoir ce que tu décides. Hier, à table [1], un père de famille en vacances avec ses enfants annonçait à l’hôtesse beaucoup de monde qui se disposait à venir de Saint-Servan et Saint-Malo visiter les îles et passer les vacances avec leur famille dans les environs. Si cela se confirmait cela rendrait mon installation encore plus difficile. C’est à quoi il faudrait songer. Du reste je pourrais prendre possession demain des deux chambres si nous terminions aujourd’hui, ce qui diminuerait d’autant les frais d’hôtel. C’est à toi, mon pauvre bien aimé, à prendre une résolution à ce sujet, moi je ne ferai ce que tu voudras en ceci comme en tout, mon plus grand bonheur étant de t’obéir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 205-206
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Juliette loge encore à l’Hôtel du Commerce.

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