14 septembre 1852

15 septembre 1852

Jersey, 14 septembre 1852, mardi matin, 8 h. ½

Bonjour mon cher petit triton, bonjour. C’est joli ce que vous avez fait hier. Grâce à cette espièglerie j’ai passé toute la matinée à laver le bas de ma robe et de mon jupon. Taisez-vous, vilain sale, ou ramenez-moi chercher le reste tout de suite. Vous avez dû avoir le temps de mettre une chemise car j’ai rencontré^a le général Le Flô avec son moucheron [1] qui se dirigeaient vers votre marmite^b. Cela me fait penser que vos crevettes auront été bien exiguës [2] pour tant de goinfres affamés. Il est vrai que la probité de la marchande aurait pu leur servir de rallonge… voime, voime quelle affreuse canaille ! Il est impossible de cumuler plus cyniquement la laideur et l’improbité que ne le fait cette horrible créature. Quelle immonde crapaude ! Elle suffirait à elle seule à dépoétiser tout ce ravissant paysage du bon Dieu. Heureusement qu’il y a des gens prévoyants pour semer des fleurs dans cette création imparfaite et que vous savez les découvrir juste assez pour qu’on emporte^c avec soi les plus épanouies et les plus odorantes. Grâce vous soit rendue^d, Ô Toto, mais la première fois que vous trouverez un de ces buissons je vous flanquerai le nez dedans pour vous en donner la primeur. Dites-donc, je vous remercie tout de même. Je vous remercierais encore bien davantage si vous me procuriez aujourd’hui les mêmes voluptés qu’hier. Vous voyez que je ne suis pas dégoûtée. En attendant je me contenterai pour ce matin d’une très courte apparition de votre cher petit individu. Est-ce que c’est trop exiger^e ? Réponse S.V.P. et puis baisez-moi pour de bon et de vrai comme un honnête homme que vous n’êtes pas.