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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er décembre 1852

Jersey, 1er décembre 1852, mercredi matin, 7 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour mon grand bien-aimé, bonjour mon ineffable adoré bonjour. C’est aujourd’hui la veille de cette grande infamie qui s’appelle le 2 décembre [1]. Il est impossible d’y songer sans indignation quoiquea, tout bien considéré, il semble que la Providence n’ait permis ce crime odieux que pour mieux faire ressortir ton mâle courage et ta généreuse abnégation. Elle a voulu ajouter à toutes tes gloires la seule qui lui manquât, la persécution, elle a réparé cet oubli en conscience et largement. Maintenant, c’est au tour de la justice, et j’espère qu’elle ne se fera plus attendre longtemps. Pauvre grand persécuté, pauvre sublime et infatigableb ouvrier de l’humanité, il n’y a que Dieu qui puisse rétribuer ton labeur surhumain. En attendant, l’ingratitude essaye de te faire banqueroute et la lâcheté, l’ineptie lui servent de complices jusqu’au jour où la sainte vérité prévaudra. Moi pendant ce temps-là, mon Victor, je t’aime de tous les amours à la fois, depuis l’amour de la mère pour son enfant, jusqu’à celui de l’ange pour son dieu. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 219-220
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « quoi que ».
b) « infatiguable ».


Jersey, 1er décembre 1852, mercredi matin, 11 h.

On dirait, mon prince bien-aimé, que la nature a à cœur de te faire fête sur la terre étrangère et de te faire oublier l’inique proscription qui te frappe, à force de grâce, de douceur et de rayons. Je me joins à elle, mon Victor martyr, et je te donne tout ce que j’ai de plus tendre et de meilleur dans mon cœur. Tâche d’en faire le baumea qui calme la plaie vive qu’un misérable t’a faiteb au cœur en avilissant la patrie. Tout ce qu’une femme peutc donner d’amour et de dévouement, mon Victor saint et sublime, je te le donne ; fais-en ce que tu voudras et ce que tu pourras, trop heureuse si tu me trouves digned un jour de mourir pour toi. J’attends ce soir avec bien de l’impatience car tu m’as promis de me lire l’EXPIATION [2]. Je ne l’ai pas oublié et j’ai fait de cette espérance, depuis hier au soir jusqu’à présent, mon courage, ma patience et mon bonheur. Tâche aussi de m’apporter de l’OUVRAGE pour augmenter et compléter ma joie et mon ravissement. En attendant je t’aime, en plus de mon amour ORDINAIRE, de tout l’amour qui s’est accumulé depuis vingt ans dans mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 221-22
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « beaume ».
b) « fait ».
c) « peu ».
d) « dignes ».

Notes

[1Coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, 2 décembre 1851.

[2Poème des Châtiments dont la rédaction est achevée le 30 novembre.

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