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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 mai 1839

16 mai [1839], jeudi matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour mon cher petit homme. Je ne suppose pas que ce soit le mauvais temps qui t’empêche de venir, mais ce que je crains, c’est que tu n’aies eu peur de mon mal de tête et de mes geigneries d’hier ? Tout cela, cependant, mon Toto, sea serait passé plus vite si tu étais venu ce matin déjeuner. La bonne a dit tout à l’heure avec regret : « Il paraît que monsieur n’est pas resté pour déjeuner ? C’est malheureux tout de même car nous avions bien de quoi le régaler… » J’en sais quelque chose, moi, et jamais peut-être vous n’auriez été mis à même de plus abondante et de meilleure régalade, mais vous ne l’avez pas voulu et je reste à voir tourner mon ombre sous mes pieds. C’est aujourd’hui l’anniversaire de la mort de cette pauvre François. Il y aura ce soir trois mois accomplis que la pauvre créature a disparub. J’espère qu’elle est plus heureuse à cette heure, dans l’autre monde, qu’il y a trois mois dans celui-ci. Le Bon Dieu dans le ciel vaut mieux que tous les créanciers de la terre. Je t’aime, mon Toto. Je t’adore, mon petit homme. Je te le dis dans toutes mes lettres, dans toutes mes paroles, dans toutes mes actions et dans toutes mes pensées les plus secrètes. Je t’aime. Je t’aime. Je suis un peu moins souffrante que cette nuit, mais j’ai toujours ma douleur. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 171-172
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « ce ».
b) « disparue ».


16 mai [1839], jeudi soir, 6 h. ¼

En attendant qu’on me bassine mon lit, mon cher petit homme, je vous écris votre petite lettre d’amour. Vous êtes si bon et si gentil que vous en donneriez l’envie et le besoin à une morte, à plus forte raison à une pauvre moribonde comme moi. Je ne suis pas malade précisément, mais je suis pire car tout me fait mal et je ne peux faire aucun mouvement.
Vous m’avez fait cependant beaucoup de bien en ayant l’air de me trouver jolie c’est une compresse qui ne fait jamais de mal sur la douleur la plus aiguë, à plus forte raison sur l’amour inquiet et jaloux. Car je suis jalouse, mon Toto, vous ne vous en étiez peut-être jamais aperçu ? Eh bien, je suis JALOUSE MAIS JALOUSE ! Et puis tout le soin que vous prenez depuis quelques jours de votre adorable petite figure est bien fait pour me mettre martel en tête. Mais soyez tranquille, je vous surveillerai de prèsb. En attendant, tâchez de venir voir brûler ma lampe cette nuit et d’aviser à l’entretien de la MÈCHE et de l’huile. Vous voyez que je mets à profit l’esprit anacréontique de votre coiffeuse ? Je vous aime, Toto, prenez garde à vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 173-174
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « apperçu ».
b) « prêt ».

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