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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 janvier [1836], lundi matin, 9 h.

Bonjour mon cher bien-aimé, j’espère que tu as passé une bonne nuit, pauvre petit homme. Vous ne l’auriez pas volé car vous étiez bien las hier au soir. Dites donc je vous aime mon cher petit homme chéri, mon pauvre petit ouvrier, je t’adore.
Je me suis réveillée bien plus tôt que d’habitude aujourd’hui et je n’en suis pas fâchée parce que c’est plus de temps que j’aurai à penser à vous et à vous aimer. Dis donc mon cher petit Toto, ne va pas oublier que c’est aujourd’hui à cinq heures que notre pauvre Clairon arrive et qu’il est de la plus grande importance que nous voyions le Barthès à ce moment-là. N’oublie pas non plus le beau livre, si ce n’est pour l’enfant, au moins pour la mère qui sera ravie et reconnaissante de ce nouveau don de toi. Je te recommande toutes ces choses comme si, lorsque tu liras cette lettre, il n’était pas tout à fait impossible de réparer les oublis que tu aurais faits dans la journée. Mais j’ai pris l’habitude de parler à ce morceau de papier comme à toi. L’illusion n’est cependant pas complète et mon pauvre cœur n’est pas aussi facilement dupe que mon esprit. Il m’est impossible de croire que les baisers que je te donne en paroles me soient aussi doux au cœur et aux lèvres que ceux que je te donne de bouche à bouche. Je ne poursuis pas plus avant la comparaison……………….a
Mais si tu sens aussi vivement que moi que la présence de l’être aimé est tout le bonheur de la vie, tu viendras très tôt. Ce ne sera d’ailleurs qu’une juste compensation à la journée d’hier.
Je t’aime, mon Victor. Je t’aime quoique tu ne m’écrives pas de lettres charmantes.
Je m’aperçoisb à présent que vous avez oublié vos lettres. Cela m’afflige comme une déception. Vous ne vous en êtes peut-être pas même aperçuc.

J.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 31-32
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) Les points courent jusqu’au bout de la ligne.
b) « apperçois ».
c) « apperçu ».


25 janvier [1836], lundi soir, 8 h. ¾

Je t’écris au milieu du serin inextinguible de Clairon et de Turlurette. Je ne sais plus où j’en suis. J’avais perdu l’habitude de ces gaietés sans raison, de ces explosions de rires sans motifs. Je suis tout étourdiea. Enfin, m’y voilà, je t’aime. Je t’aime. Je t’aime, je le sens plus que je ne l’ai encore senti.
J’ai cru un moment que tu étais fâché tantôt contre moi de ce que mes joues avaient eu le contact des lèvres de ce vieux stupide mais je te le répète, mon amour, la joie de voir ma pauvre fille m’a fait perdre un moment le sentiment de répulsion que j’éprouve à la vue de ce vieux bonhomme [1]. Depuis que tu m’as quittée, j’ai visité le coffre de la petite, j’ai écouté tous ses petits contes, nous avons dîné un peu plus longuement qu’à l’ordinaire, puis enfin je viens à toi que je n’ai pas quitté, ni de la pensée ni du cœur, pour te dire ce que tu sais aussi bien que moi mais que j’aime à te répéter, je t’aime.
Vous n’êtes pas revenu, mon cher petit homme. Est-ce que vous avez été faire la cour à Mme Volnys ? Je vous préviens que je suis très jalouse et par conséquent très amoureuse, et que je veux que vous soyez toujours à moi seule, entendez-vous ? Je t’aime, ma joie, je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 33-34
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « toute étourdie ».

Notes

[1Barthès.

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