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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 avril [1839], mardi matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour mon adoré, comment vas-tu, mon adoré ? Il fait encore un temps ravissant ce matin mais je ne dois pas espérer plus que les autres jours en profiter avec toi. Je vais m’en venger en civilisant la cocotte, tant pis pour elle. Pourquoi que vous ne me menez pas avec vous ? Et pourquoi que vous n’êtes pas venu cette nuit ? Vous me promettez toujours plus de beurre que de pain et vous ne tenez aucune de vos promesses. Si je pouvais vous en vouloir ou vous aimer moins ce serait bien le cas. Mais quoi que vous me fassiez ou ne me fassiez pas, je vous aime toujours plus. C’est comme ça et pas autrement, que voulez-vous que j’y fasse ?
Je vais écrire à Claire pour son chapeau et sa robe, en même temps j’écrirai à Mme Lanvin pour que son mari vienne un des derniers jours de la semaine payer les impositions, après quoi nous serons un peu tranquilles, car en vérité ce mois-ci a été lourd et rude, surtout pour toi, pauvre adoré. Je t’aime pour tout ton dévouement, je t’aime pour ta bonté, pour ta beauté, pour ton âme et pour ton génie, mais je t’aime parce que je t’aime. J’ai le cœur plein d’adoration. Je voudrais l’épancher sur tes pieds. Je t’aime, mon Toto, je t’aime. Véritablement, tu es mon petit homme adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 57-58
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette


16 avril [1839], mardi soir, 5 h. ¾

Me voici sous les armes, mon cher maître, mais Dieu sait que c’est pour rien. Il faut être joliment disciplinée pour obéir au commandement, au doigt et à l’œil ainsi que je le fais depuis plus de 6 ans. Au reste, pour être disciplinée, je n’en rage pas moins contre le pouvoir despotique qui me veut habiller quand je ne puis pas l’être et qui me force à rester chez moi quand je me suis apprêtée pour sortir. C’est ce qui m’arrive encore ce soir, sous prétexte de je ne sais quelle loge que vous n’aurez pas. Vous me condamnez à passer ma journée et ma soirée toute seule tandis que vous irez au théâtre de votre côté. Voilà pour aujourd’hui. Hier j’étais prête et vous n’avez pas voulu me faire prendre l’air. Demain ce sera un autre caprice et une autre exigencea qui me forcera à rester chez moi. Au surplus vous faites bien, mon Toto, d’agir ainsi puisque je vous aime malgré cela. Je vais découper votre poulet pour vous ce soir, j’espère que vous ne me ferez pas la gentillesse de ne pas venir le manger, il ne manquerait plus que cela à mon bonheur. Bonsoir, mon amour. Quand vous lirez cette lettre, nous serons séparés pour jusqu’au lendemain. Dormez-bien et aimez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 59-60
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « exigence ».

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