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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 19 août 1881, vendredi matin, 7 h.

Cher bien-aimé, pour toi comme pour moi, les mauvaises nuits se suivent et se ressemblent, ce qui est une médiocre compensation. Heureusement que tu peux faire de ton jour la nuit, ce qui diminue un peu l’inconvénient de tes insomnies. Pour moi, qui ai horreur de rester couchéea après le lever du soleil, je ne me récupère pas ; de là, ma fatigue croissante et la perte de mes forces. Mais tout cela n’est rien tant que je te verrai vaillant et fort, et sain d’esprit et de corps, comme tu l’es si superbement. Une bonne nouvelle ! Mme Lockroy a passé une très bonne nuit, relativement, et se trouve beaucoup mieux ce matin. Il était temps car la pauvre femme finissait par perdre courage. À côté de cette bonne nouvelle j’en ai une moins satisfaisante concernant Mme Baa, laquelle paraît décidée à te pressurer outre mesure et par tous les moyens possibles. Aujourd’hui, elle te fait écrire par une somnambule, extra lucide, du Havre, chez laquelle elle demeure en ce moment, et à laquelle elle a raconté, à sa façon, les prétendus services qu’elle t’a rendusb et les prétendues folles promesses que tu lui as faites à ce sujet. Tout cela accompagné de protestations de discrétion qui pourraient passer au besoin pour des menaces. Le fâcheux dans cette sotte affaire c’est de ne pouvoir pas y couperc court tout de suite par l’intermédiaire d’un ami sûr et dévoué. Paul Meurice, occupé du mariage de sa fille qu’il adore, n’a guère le temps, sinon le cœur, dont il ne manquera jamais, de prendre fait et cause pour toi dans cette tentative de chantage prolongé. Rouillon, indolent par nature, et que tu connais à peine, n’est pas ici et ne voudrait pas, je crois, troubler sa grosse quiétude pour cela. Lecanu, sûr, dévoué, infatigabled, quand il s’agit de toi, n’est pas ici non plus, et, d’ailleurs, à tort ou à raison, il ne t’est pas sympathique. Reste Ernest Lefèvre. Mais, outre qu’il est absent aussi, lui, il est occupé de son élection et rien ne pourrait l’en distraire. Donc personne autour de toi à l’heure présente, pour te rendre ce bon office te tirer des pattes de ce monstre stupidement et naïvement canaille. Autre genre d’exploitation, une lettre signée du maire de la localité où est née cette descendante des Hugo t’a écrit pour que tu lui viennes en aide. Et de deux !
Il ne reste que moi, pauvre vieille mouche de ton vieux coche, qui n’en peuxe mais, si ce n’est de t’adorer avec une persévérance digne d’un meilleur sort.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

Collection particulière, MLM, 62260 0131/0133
Transcription de Gérard Pouchain
[Charpentreau]

a) « coucher ».
b) « rendu ».
c) « coupert ».
d) « infatiguable ».
e) « peut ».

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