Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1881 > Mai > 11

11 mai 1881

Paris, 11 mai 1881, mercredi matin, 7 h. ½

Dieu soit loué et bénia, mon pauvre grand bien-aimé, pour t’avoir tiré si tôt de la dangereuse et sournoise indisposition qui t’avait saisi si violement il y a douze jours. Maintenant que me voilà rassurée sur ta bonne et entière guérison prochaine, j’en profite pour me donner à moi-même signe de vie en réveillant ma restitus si longtemps endormie [1]. À partir d’aujourd’hui, si tu le permets, et si tu te sens en goût de mes tendres billevesées je t’enverrai ma restitus frapper tous les jours à la porte de ton cœur.
Une surprise charmante, parmi beaucoup de choses insignifiantes ou ennuyeusesb, deux lettres d’Anatole de la Forge, une pour toi, une pour moi, avec la suscription : avenue Victor-Hugo [2]. Je te laisse à penser l’enthousiasme et l’acclamation contenus dans l’intérieur pour ta gloire qui monte toujours et de plus en plus haut, excelsior, comme on dit en Angleterre. En même temps il te prie de permettre à Philippe Jourde d’être ton troisième invité samedi prochain. Accordé, accordé, accordé et avec plaisir.
Une lettre aussi de ta pauvre petite belle-sœur [3] qui n’a pas encore reçu celle contenant de l’argent que tu lui as envoyée il y a trois jours. Espérons qu’elle en est en pleine possession aujourd’hui.
Il paraît que M. Gosselin [4] et une autre personne qu’elle ne nomme pas sont à Guernesey en ce moment où ilsc visitent et prennent en notes et en peintures l’intérieur et l’extérieur de ta maison. Ils doivent en repartir aujourd’hui pour venir à Paris.
Autre nouvelle, un bonhommed t’écrit pour t’informer qu’il va ouvrir un café avenue Victor-Hugo, 117, et te prie de lui accorder l’honneur de le mettre sous ton nom. Il t’envoie l’adresse des personnes qui doivent te donner les meilleures références sur lui. Ceci est une chose à examiner, il me semble, avant de l’accorder, à cause de faillites malheureusement trop faciles à prévoir dans cette avenue plus propice à la gloire qu’au commerce. Mais je te dis là « des choses, des folies »  [5], qui ne m’intéressent que médiocrement mises en regard avec ta santé qui est ma vie, ta gloire qui est mon orgueil, et ton amour qui est mon bonheur.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 98-99
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « bénit ».
b) « ennuieuses ».
c) « il ».
d) « bon homme ».

Notes

[1Juliette n’a pas écrit depuis le 6 mai.

[2Un décret du conseil municipal de Paris datant du 8 mai donne à la partie principale de l’avenue d’Eylau le nom d’avenue Victor-Hugo.

[3Julie Chenay qui entretient Hauteville House à Guernesey en l’absence de Hugo.

[4Charles Gosselin (1833-1892), peintre et conservateur de musée, fils de l’éditeur du même nom ?

[5Citation de Ruy Blas, Acte I, scène 3 : « – Oh ! Mais je te dis là des choses, des folies ! ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne