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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 novembre [1841], lundi matin, 11 h. ¾

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon Toto chéri. Je suis encore dans mon lit mais je viens d’écrire et de compter mon linge et ma dépense. Je vais déjeuner et ensuite j’irai ZAU BOIS, NON PAS SEULETTE [1] mais avec mon frotteur qui est prévenu et qui doit venir de midi à une heure s’il ne pleut pas. Je vous aime.
Je copierai tantôt ce qui me reste dans mon dossier, ce sera toujours autant de fait et puis vous m’en donnerez peut-être tout de suite d’autre [2]. Quel bonheur ! Mon petit cabinet est toujours ravissant et je suis très heureuse, mais je le serai encore bien davantage le jour où je pourrai y mettre une bonne petite lettre de vous [3]. Ce ne sera pas avant un mois et 8 jours malheureusement mais ce sera toujours dans 8 jours et un mois à coup sûr, car vous savez que je ne badine pas à l’endroit de mes droits. Cher petit homme bien-aimé, quoique je sois très malheureuse de vieillir, le désir d’avoir ma bonne petite lettre annuelle me fait hâter de tous mes vœux le temps qui me reste encore pour arriver jusqu’à l’époque dans un mois et 8 jours. Mais aussi ce jour-là, quel bonheur [4] ! Quel bonheur !!!!!!!!a
Je vous aime, moi, mon cher petit homme. Je vous aime sans interruption, sans distraction, toujours avec la même ardeur et avec la même adoration depuis huit ans et neuf mois [5]. Je vous aimerai toujours ainsi jusqu’à la mort et au-delà de la mort s’il y a quelque chose de mon moi qui survive. Baise-moi, mon Toto chéri, baise-moi, viens vite et aime-moi. Je vais me lever bien vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 137-138
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) Les points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.

Notes

[1Extrait de la chanson populaire Giroflé, Girofla : « Que t’as d’jolies filles, (ou Que t’as de belles filles) / Giroflé, Girofla, / Que t’as d’jolies filles, / L’amour m’y compt’ra. (bis) / – Elles sont jeunes et gentilles, (ou Ell’ sont bell’ et gentilles) / Giroflé, Girofla, / Elles sont jeunes et gentilles, / L’amour m’y compt’ra. (bis) / – Donne-moi z’en donc une, / – Pas seul’ment la queue d’une, / – J’irai au bois seulette, / – Cueillir la violette, / – Quoi fair’ de la violette ? / – Pour mettre à ma coll’rette, / – Si le roi t’y rencontre ? / – J’lui f’rai trois révérences, / - Si la rein’ t’y rencontre ? / - J’lui f’rai trois révérences, / – Si le Diabl’ t’y rencontre ? / - Je lui ferai les cornes ». C’est une ronde enfantine où une bande de jeunes filles se tient par la main, la plus grande au milieu pour conduire le chœur. L’une d’entre elles vient au devant en chantant un couplet puis recule et le même jeu se renouvelle à chaque fois. Au dernier couplet la dernière, en faisant les cornes avec ses doigts, prend une grosse voix, et fait peur à la petite troupe qui s’enfuit. Le nom de la chanson a inspiré le titre d’une opérette jouée en 1874, dans laquelle Giroflé et Girofla sont les deux filles jumelles d’un noble espagnol.

[2Hugo est en train de terminer la rédaction du Rhin.

[3Il s’agit d’une boîte à volets que Hugo lui a offerte la veille et qu’elle attendait depuis longtemps. Elle l’appelle « cabinet » car elle a lu dans Les Historiettes de Tallemant la description d’un objet ressemblant que Mme de Sévigné qualifiait ainsi.

[4Pour chaque nouvelle année, Hugo écrit à Juliette une lettre qu’elle range précieusement dans le Livre rouge.

[5Juliette et Hugo sont devenus amants en février 1833.

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