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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 octobre [1841], 7 h. ¾ du soir, lundi

Je ne t’ai pas écrit plus tôta, mon amour, parce que j’avais à finir de serrer mes affaires et puis parce que j’ai voulu lire avant les deux feuilles que tu m’as donnéesb à copier ce soir. C’est toujours aussi beau et je t’aime plus que jamais [1].
Quelle ravissante petite promenade tu m’as fait faire tantôt, mon chéri, mais quel dommage qu’elles soient si rares et si courtes, et comme chemin faisant, vous avez dit à ce spongieux et douceâtre Allemand d’admirables et de sublimes choses. Je vous écoutais avec toute mon âme [2], j’aurais voulu baiser vos pieds. Voilà comment je vous comprends mais je t’aime, mon Victor bien-aimé, je t’aime plus que tu ne peux le désirer, en supposant que tu veuilles être aimé comme Dieu par les anges. Je t’aime encore mieux que cela. Je voudrais être encore à ton bras, entendant ta chère petite voix grave et douce. Pourquoi est-ce si vite passé le bonheur. Moi qui en ai si peu souvent, je devrais avoir double part le jour [où] j’ai le bonheur d’être avec toi. Je sens que je ne sais pas ce que je dis. La joie porte à l’ivresse comme le vin et moins on a l’habitude et moins il en faut pour vous troubler le jugement. Pardonne-moi si mon amour va de travers comme mes mots et comme les lignes sur mon papier, c’est la joie d’avoir été un moment en liberté et au soleil avec toi. Je t’aime, mon Toto, je t’aime, n’oubliec pas ça.
Ne va pas trop au théâtre sans moi, mon Toto, songe que je ne résisterais pas à la plus petite infidélité, pas plus à celle de la pensée qu’à celle du corps. Tâche de venir me prendre ce soir pour refaire ensemble un petit tour de boulevard. Ce sera si gentil, et puis il doit y avoir de la lune et puis je serai si heureuse. Viens vite, mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 35-36
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « plutôt ».
b) « donné ».
c) « n’oublies ».

Notes

[1Hugo est en train d’écrire la conclusion du Rhin.

[2Réplique de la Reine à Ruy Blas, acte III, scène 3 : « Oui, duc, j’entendais tout / J’étais là. J’écoutais avec toute mon âme ! »

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