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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 septembre [1841], lundi après-midi, 4 h.

Vous êtes bien doux, bien aimable, bien bon, bien charmant et bien ravissant, mon adoré, mais vous ne nous donnez pas assez de bonheur. Si vous saviez combien je suis triste et énervée de cette vie sans air et sans amour, vous me plaindriez et vous partiriez à l’instant avec moi pour quelque pays bien lointain.
Aujourd’hui j’ai un mal de tête absurde, c’est à peine si j’ai le courage de t’écrire. J’ai le dedans de mes mains brûlanta et le cœur presque aussi noirb que ton ÂME. Vraiment, mon adoré, je suis toute malingre et j’aurais bien besoin d’amour et de bonheur pour me retremper un peu. Jour Toto, jour mon petit bijou d’homme. Bonjour, je t’aime plus que jamais mon doux, mon noble, mon divin petit bien-aimé. Je baise tes chers petits pieds, je t’aime.
Je viens de me parer des plumes de paon, j’ai bien envie de ne pas vous la rendre, la susdite plume, mon cher petit paon.
[Dessinc]
Ça vous apprendra à avoir de la mémoire et à ne pas oublier vos bijoux chez tout le monde. Hélas ! j’ai bien peur que cet oubli ne cache une fugue à Saint-Prix [1]. J’en suis toujours pour ce que j’en ai dit ce matin, je vous crois à Saint-Prix et c’est ce qui augmente je crois mon mal de tête et mon ennui. Mon Dieu, quand donc serons-nous libres et heureux ? – Jamais pour cette année, j’en ai bien peur [2]. Mon Dieu, mon Dieu, je ne sais pas comment je ferai lorsque j’aurai perdu tout espoir. Il me semble que je n’aurai jamais le courage de recommencer l’autre année si je n’ai pas un pauvre petit morceau de bonheur dans mon escarcelle. Aussi, mon bon petit homme, je t’en prie à genoux, dépêche-toi de finir ce que tu as à faire, donne-moi à copier, à copier etd à copier depuis le matin jusqu’au soir, jour et nuit et partons bien vite. Je t’aime mon Toto, je t’adore mon bon petit homme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 251-252
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « brûlantes ».
b) « noire ».
c) Dessin représentant Juliette elle-même portant un collier avec une plume :

© Bibliothèque Nationale de France


a) « à copier à et ».

Notes

[1Pendant l’été 1841, les Hugo ont loué à Saint-Prix, dans le Val-d’Oise, un appartement meublé de la mi-juin à la mi-octobre, et le poète y passe du temps de juillet à octobre pour terminer la rédaction du Rhin.

[2Depuis 1834, Hugo et Juliette ont pris l’habitude d’effectuer un voyage de quelques semaines ou mois pendant l’été et le printemps. Elle attend toute l’année ce moment qui est le seul où elle peut vivre « de la vraie vie » seule avec Hugo mais malheureusement, en 1841, leur voyage annuel n’aura pas lieu, au grand désespoir de Juliette.

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