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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 septembre [1841], lundi après-midi, 2 h. ¼

Je t’aime, mon beau Victor, je t’aime de plus en plus, autant que la beauté de ton corps et de ton âme qui augmentent aussi chaque jour comme un phénomène divin. Je t’aime, mon Victor adoré, crois-le bien car c’est la vérité sainte et sacrée comme si le bon Dieu te le disait lui-même. Je t’aime de tous les amours à la fois, mon sublime petit bien-aimé.
J’ai encore mis mon affreux nez dans votre délicieuse crème. J’ai écorniflé un peu Mayence, malheureusement il n’y en avait pas beaucoup et à ce sujet je m’aperçoisa que je n’ai plus votre pratique pour copier vos manuscrits [1]. Si vous croyez que ça m’arrange, vous vous trompez du tout au tout et je me révolte comme un chien.

4 h.

Je viens d’avoir la visite de Mme Franque qui m’a raconté toutes sortes de choses tristes au sujet de sa sœur et de M. Pasquier le mort. Il paraît qu’il ne lui a rien laissé, ni comme témoignage d’intérêt ni comme souvenir d’affectionb, ce qui l’afflige d’autant plus [2]. Maintenant que je t’ai vu, mon cher bien-aimé, je n’ai pas besoin de continuer mes explications sur cette pauvre femme mais toi, mon pauvre ange, si loyal et si dévoué, comment peut-il t’arriver des ennuis comme celui de tout à l’heure [3] ? Je n’y comprends rien vraiment et c’est à douter du bon Dieu. Mon adoré, mon adoré, aimons-nous et soyons-nous bien fidèles l’un à l’autre car tout est là. Je le sens plus que jamais et j’aimerais mieux mourir sur le coup que de manquer à mes devoirs d’amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 234-235
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « apperçois ».
b) « affetion ».

Notes

[1Juliette a l’habitude de recopier les œuvres du poète avant qu’elles ne soient proposées aux éditeurs. C’est l’un de ses plus grands plaisirs et l’une de ses seules distractions. Or ces derniers mois, Victor Hugo a consacré tout son temps à la rédaction du Rhin et il vient d’achever son travail, moins la Conclusion (en cours) et la Préface. Quant à l’extrait que mentionne Juliette, il s’agit de la lettre XXIII du Tome 2, « Mayence ».

[2Dans sa lettre du vendredi 10 septembre au soir, Juliette a raconté la douleur que lui a causée cette disparition.

[3À élucider. Il s’agit peut-être d’un petit incident entre Hugo et M. Plon à propos de la publication du Rhin. En effet, le lendemain, le poète écrira à M. Rampin : « Ce mardi, / M. Plon, que j’ai vu hier, Monsieur, s’est chargé de vous dire ce dont j’avais à vous entretenir. Je ferai ce que vous voudrez. La totalité des deux volumes est livrée, et peut paraître immédiatement, si vous le souhaitez. / Soyez assez bon pour me faire savoir, par un mot à la poste, ce que vous aurez résolu ainsi que MM. vos associés. Agréez, je vous prie, la nouvelle assurance de mes sentiments les plus affectueux et les plus distingués » (Correspondance, Tome IV [années 1874-1885, addendum], Paris, Imprimerie nationale, Albin Michel, Ollendorf, 1952, p. 178).

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