16 novembre 1879

Paris, 16 nov[embre] [18]79, dimanche matin, 5 h.

Pour une belle heure, c’est une belle heure ; mais une belle heure n’est pas une bonne heure et voilà, mon cher petit homme, pourquoi je m’en plains tout en me livrant à mon péché mignon de t’aimer à tout propos et quand même dussé^a-je en mourir sur place, mais non sans coup férir (ne pas lire ferry). Au-reste j’ai un amour à tout faire ; le bien et le mal ; l’insomnie et le repos ; la tristesse et la joie ; l’enfer et le paradis. En ce moment je m’en sers comme panacée avec la confiance qu’avant la fin de ce gribouillis je serai déjà guérie. En attendant j’entends le frôlement de balai de mon bonhomme sur les feuilles qui achèvent de tomber et je prie Dieu de d’exaucer son ambition en allongeant d’un cran le manche de son balai [1].
Quand je le disais, que mon gribouillis me ferait du bien ! Je me sens déjà beaucoup mieux grâce à ce chiural [2], je ne sais pas comment ça s’écrit, de mon crû. Une infusion de pattes de mouches prise à temps m’enlève tout espèce de mal, comme avec la main. Sonnez, couvent, allez, nonnes, à vos prières, moi je vais à mon amour qui est aussi le chemin qui conduit à Dieu. Je vous bénis quoique nous ne soyons pas de la même paroisse et je te bénis encore plus, toi, mon bien-aimé que j’adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 277
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette

a) « dussai ».