Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1879 > Novembre > 3

Paris, 3 novembrea [18]79, lundi soir, 5 h. ½

Ce n’est pas la première fois, mon grand bien-aimé, que les maisons m’empêchent de voir la ville et le jour de la blanchisseuse de distancer outrageusement l’heure de ma restitus, comme aujourd’hui. Heureusement que ce qui est différé n’est pas perdu, et qu’il est toujours temps de satisfaire son cœur quand il aime comme fait le mien qui t’adore nuit et jour sans désemparer jamais. Et à ce propos, je te dirai que je viens de passer un vilain quart d’heure à chercher un mandat de 20 F. sur la poste que je ne pouvais pas trouver pour la raison toute simple que tu me l’as repris le même jour parce qu’il faisait partie de tes droits d’auteur… à musique et que cesb droits-là étant distincts de l’argent envoyé aux amnistiés [1], tu le retenais pour tes pauvres personnels. Je t’avoue que je n’ai pas été fâchée de retrouver cela dans ma mémoire ; maintenant que c’est fait je ne l’oublierai plus.
Autre guitare, c’est une lettre d’un secrétaire de Magnier de L’Événement [2] qui signe : Jules Bariol [3]. Sous prétexte de te faire connaître une lettre de Gérard de Nerval écrite à son père en 1836 et où il est question de toi, mais aussi pour avoir, je crois, entrée chez toi. Tu verras cette lettre qui a déjà quatre jours de date et tu y répondras, probablement, à la satisfaction du susdit Bariol. Il y en a d’autres encore plus pressantes et peut-être moins intéressantes que celle-là. Toi seul peux en décider en en prenant personnellement connaissance.
Ne trouves-tu pas, mon doux bien-aimé, que nous devrions faire une pieuse visite à nos chers morts maintenant que la foule s’est retirée des cimetières ? Nous porterions à tes chers fils la couronne que cette brave ouvrière leur a faitec en reconnaissance de ce que tu fais pour la classe ouvrière. En même temps je visiterais la tombe de ma chère fille [4] que je délaisse, hélas ! beaucoup trop. Ce pèlerinage ne nous prendrait pas beaucoup plus de temps que notre sortie quotidienne après déjeuner et satisferait le religieux besoin que j’éprouve à m’approcher avec toi de ces chers êtres qui ont fait partie de nous-mêmes.

BnF, Mss, NAF 16400, f. 263-264
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette

a) « 2 octobre ». Sur le manuscrit, la date a été rayée et corrigée en « 3 9bre ».
b) « c’est ».
c) « faites ».

Notes

[1Il s’agit des amnistiés de la Commune, que Hugo mettra un point d’honneur à défendre à la fin de sa vie : il voit dans l’amnistie un exemple moral pour le peuple, et une action fondamentalement républicaine. Une première loi en faveur de l’amnistie des Communards a d’ailleurs été votée le 3 mars 1879 ; elle sera complétée par une nouvelle loi, le 11 juillet 1880. Cette thématique revient avec récurrence dans les lettres de Juliette.

[2Quotidien de centre-gauche, co-fondé par Edmond Magnier et Auguste Dumont en 1872.

[3À élucider.

[4Claire Pradier, fille de Juliette et du sculpteur James Pradier, morte en 1846 et enterrée au cimetière Saint-Mandé.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne